Patrick (Gilles Lellouche) est un avocat parisien spécialiste en droit de l'environnement, qui se bat inlassablement pour obtenir la reconnaissance du préjudice subi par la veuve de sa cliente, décédée d'un cancer causé par l'exposition à la tétrazine, un dangereux pesticide. France (Emmanuelle Bercot) est prof d'EPS dans un lycée breton. Quand Zef (Yannick Rénier), son compagnon, rechute du même cancer que celui qui a tué la cliente de Patrick, France décide de s'engager dans l'action violente. Matthias (Pierre Niney) est un lobbyiste très introduit et très grassement rémunéré qui sillonne le monde à partir de Bruxelles pour défendre les causes les plus indéfendables, en compagnie de son collègue Paul (Laurent Stocker).
Matthias et Paul sont dans le camp des Goliath, Patrick, France et Zef dans celui des David.
On ne saurait nier à "Goliath" une sacrée efficacité. Frédéric Tellier, le réalisateur de "L'Affaire SK1" et de "Sauver ou Périr" (avec Pierre Niney déjà) sait y faire pour entrelacer les fils d'une histoire, camper des personnages, faire monter la tension dramatique.
C'est moins les moyens qu'il utilise avec brio que les fins qu'il poursuit qui expliquent mes réticences devant son dernier film.
"Goliath" évoque le glyphosate de Monsanto, ce pesticide commercialisé par Monsanto sous l'appelation Roundup, massivement utilisé à travers le monde et suspecté d'être cancérigène. Un carton au début du film passablement confus explique que son contenu s'inspire de faits réels, bien qu'il soit une pure fiction, mais qu'il n'est pas sans lien avec l'actualité. D'ailleurs on met sur le dos du glyphosate les effets secondaires du thalidomide. Dans "Goliath", le glyphosate devient la tétrazine et Monsanto est rebaptisé Phytosanis.
Depuis plusieurs dizaines d'années la polémique est vive entre les pro- et les anti-, les David qui dénoncent la dangerosité du glyphosate et militent pour son interdiction, les Goliath qui défendent les géants de l'agroalimentaire qui le commercialisent, vantent ses avantages et minimisent ses risques.
Je serais bien prétentieux d'exprimer une opinion sur la question, sauf à revendiquer un savoir que je ne possède pas ou à me ranger dans les rangs de ceux qui, si nombreux ces temps-ci, qu'il s'agisse de pandémies, de vaccins, de médicaments, ont décidé, contre toute raison de faire prévaloir leurs préjugés et leurs défiances sur le discours "officiel" d'autorités, politiques ou scientifiques, qui disent-ils ont trahi leur confiance.
Mais ce qui m'a dérangé dans "Goliath" est la caricature manichéenne dans laquelle verse Frédéric Tellier pour servir sa cause.
Les Goliath y sont très méchants. Leur cynisme est sans limite. Leur richesse est insolente. Ils voyagent en première classe, trinquent au champagne du matin au soir, constituent une clique exclusivement masculine (bouh ! les phallocrates !), composée d'avocats, de lobbyistes, de sénateurs (le "sénateur" est tellement plus haïssable que le député) et de conseillers de cabinets passés par les mêmes écoles et formatés dans le même moule. Si leurs sophismes sont efficaces, ils font néanmoins preuve d'une légèreté déroutante en conservant dans leurs coffres-forts la preuve qui signe leur crime.
Les David y sont au contraire très gentils. Pendant que les Goliath boivent du champagne dans l'atmosphère compassée d'un palace cinq étoiles, les David festoient joyeusement au cidre dans un hangar à bateaux des Côtes d'Armor. Parmi les David, on trouve un couple d'agricultrices (l'homosexualité, c'est tellement plus cool que la bourgeoise hétérosexualité de Matthias et de sa femme enceinte). Les enfants des David font du cirque et apprennent à marcher sur une corde raide, pendant que ceux des Goliath reçoivent des sacs Prada pour leur quatorzième anniversaire et vont en Cadillac blanche au concert d'Ariana Grande....
"Goliath" ploie sous son dispositif trop caricatural. Il veut à tout prix susciter l'empathie pour ses héros unanimement admirables (on ne dira rien de la dernière apparition de France dont le dossier de presse nous apprend, pour notre plus grand soulagement, qu'elle a été réalisée avec des effets spéciaux) et la détestation de ses anti-héros si cyniques. Il y arrive souvent car Frédéric Tellier maîtrise à la perfection les codes du thriller. Mais, comme "BAC Nord" il y a quelques mois, "Goliath" m'a laissé un arrière-goût désagréable. Je dois balayer devant ma porte : j'avais mis quatre étoiles à "Bac Nord", je n'en mets qu'une à "Goliath". Une contradiction de plus ?