« Goliath » est un film que j’aurais adorer adorer, vraiment… D’abord parce que j’ai beaucoup aimé les deux premier films de Frédéric Tellier (« L’Affaire SK1 » et « Sauver ou Périr ») et que je lui faisais confiance pour m’embarquer dans un thriller engagé sans concessions. Si l’on excepte quelques petites scènes dont on se demande bien ce qu’elles sont censées apporter à l’intrigue (exemple, le cours de sport), quelques toutes petites longueurs et une scène de course poursuite caméra à l’épaule qui a été à deux doigt de me donner la nausée (je n’ai rien contre le procédé de la caméra à l’épaule mais franchement, là, c’est irregardable), je ne lui reproche pas grand-chose sur la forme. Son film dure 2 heures et on ne s’ennuie pas, la musique est bien utilisée, agréable sans être envahissante, il y a des jolis plans, des moments bien mis en images avec une belle photographie. Sur la forme, à part quelques petites scories, je trouve que « Goliath » tient la route. Frédéric Teiller fait du cinéma, et il aime le cinéma aussi : la preuve, quand il imagine un avocat solitaire défendant une cause perdue, il le calque sur Mark Ruffalo et « Dark Water » (il y a pire comme comparaison).
Quand il veut faire une grande scène de révélation avec un informateur secret, il va chercher chez Oliver Stone et « JFK ».
et il y a peut-être contre d’autres emprunts plus ou moins flagrants que je n’ai pas décelés parce que je n’ai pas les références. Ce n’est pas bien grave en soi, mais quand on s’en rend compte, ça fait quand même un peu sourire… C’est bien la seule raison de sourire pendant la projection de « Goliath », d’ailleurs. C’est un film engagé, mieux, c’est un film militant. Sur le papier, je n’ai rien contre : le sujet est sensible et complexe, il concerne tout le monde, il parle à chacun d’entre nous. Mais il y a quelque chose qui me chiffonne depuis que j’ai quitté la salle de cinéma, c’est cette impression d’avoir été prise pour (un tout petit peu) plus bête que je ne suis. Démontrer, le plus clairement possible, la nocivité des pesticides, les intérêts faramineux en jeu en termes de santé publique mais aussi en termes de profits, exposer les méthodes utilisées par les lobbies, leur cynisme abyssal, les manigances politiques, tout cela est fait, bien fait, c’est limpide. Mais pour arriver à ce résultat, le scénario sort ses gros sabots et ses grosses ficelles. Son manichéisme sous le bras, il ne recule devant rien : l
es gentils d’un côté : victimes, idéalistes, écologistes, pauvres le plus souvent et les méchants de l’autre : cyniques, ultra-riche, utilisant la violence, les menaces, les trolls des réseaux sociaux, filant des millions sans vergogne à des scientifiques complices,
flirtant avec l’extrême droite (en se pinçant le nez)
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et comme ils sont vraiment très méchants, on en fait aussi des défenseurs du diesel. En schématisant, du côté des gentils on chante du Renaud sous la tonnelle, chez les méchants on danse le Madison dans les Relais et Châteaux.
Tellier ajoute donc sans aucune nuance une touche de lutte des classes et de Gauche/Droite comme s’il avait peur que son propos ne soit pas suffisamment clair au départ. Cette surenchère, ce manque de subtilité assez confondant, me laissent un arrière-gout étrange en bouche. Son propos était suffisamment fort pour qu’il évite de marteler en permanence ses arguments. Le sujet des pesticides est compliqué, le film tente timidement d’expliquer cette complexité (le problème des rendements, de la surpopulation mondiale) mais systématiquement en mettant ces arguments dans la bouche de ses personnages les plus détestables ! Du coup, ils sont quasi inaudibles. Autre chose qui me chagrine un peu, c’est que par moment je me suis demandé si le film dénonçait le scandale des pesticides ou le principe du lobbying. Ici, le lobbying est toujours au service du Mal, toujours avec un cynisme décomplexé, c’est là encore une charge totale, façon bulldozer. Pierre Niney, pour moi, est le grand gagnant de « Goliath », et il est d’ores et déjà nominé pour le rôle de plus beau méchant de 2022. Son charisme, son éloquence, sa force de conviction est telle qu’on est sous le charme : c’est voulu, c’est dangereux, c’est réussi. A coté de lui, Emmanuelle Bercot fait presque peur, en militante qui se radicalise, et Gilles Lellouche est un peu trop « à la dérive » pour que cela ne fasse pas un peu pathétique par moment. Forcer le trait aura été la ligne de conduite de « Goliath », dans tous les domaines. Le sujet de départ est fort, il n’était nul besoin de cogner comme un sourd pour enfoncer le clou.