Attention, cet avis comporte ce genre de spoilers:
quand un personnage dit: "il n'y a qu'au cinéma qu'on voit ça", c'est parce qu'on y est pas.
A la façon de Mélanie Klein (sur twitter): "Alors non: le prosecco n'est pas du Champagne, pas plus que les téléfilms ne sont du cinéma. Voilà, c'était ma critique cinéma." Elle opère sur twitter mais bon, on peut aussi écorcher un métrage en 4000 mots. Il faut savoir être généreux.
La bande-annonce semblait promettre la rencontre saignante donc, entre 2 mondes, celui de l'artisanat, son humilité, sa simplicité, son authenticité peut-être celui d'une certaine "rusticité" et celui de la mode, sa vacuité, son faste, son cynisme et peut-être celui d'une certain "folie".
Raté, c'est la rencontre doucereuse limite gnangnante entre un boucher, parfait gentleman qui excelle dans la médiatisation et une modeuse, pas bêcheuse pour un sou, aussi à l'aise sur haut-talons qu'en bottes dans la gadoue. Donc déjà, ces deux là n'ont rien à s'apprendre.
Le métrage évite méthodiquement 2 schémas classiques mais efficaces:
- 1: celui où 2 personnages de milieux/caractères opposés doivent s'allier (et se supporter) dans un but commun
- 2: celui où 2 personnages de milieux/caractères opposés s'aiment et désirent imposer leur amour à leur milieu respectif
Dans cet univers 𝐞́𝐝𝐮𝐥𝐜𝐨𝐫𝐞́, une éditorialiste de magazine trendy et un boucher, ça passe crème, ça ne pose pas question. Pourquoi pas une ministre et un électricien aussi? Bon bon bon, pourquoi pas. Mais du coup, il ne devrait pas y avoir d'obstacle à leur amour.
C'était sans compter sur un scénariste 𝐚𝐫𝐥𝐞𝐪𝐮𝐢𝐧𝐞𝐬𝐪𝐮𝐞 qui a pris son eau de rose pour du viandox. Il nous gave de péripéties téléphonées avalées en 3 minutes chrono et recommence crescendo.
Tout y passe:
depuis le mensonge du départ qui tient 5 minutes, à la tentative de destruction de l'entreprise, pardonnée en 30 secondes, en passant par la compagne du boucher qui pop dans l'histoire mais n'est qu'un détour ou le créancier qui pop 2 fois avant de disparaitre par enchantement, etc
Dans cet univers aseptisé, ça passe. Les pires difficultés glissent sur la psyché des protagonistes comme l'eau sur les plumes d'un canard. Rien n'accroche. Ils sont psychologiquement en plastique. D'où une impression de totale artificialité ronronnante.
Plus dérangeant: ces obstacles prennent pour prétexte des thèmes forts qui à peine abordés sont déjà en train de se dégonfler (l'artisanat dans un monde industriel, le terroir, l'ambition, le deuil...). Ca brasse large, on dirait du "𝐭𝐡𝐞̀𝐦𝐞 𝐝𝐫𝐨𝐩𝐩𝐢𝐧𝐠". Evidemment aucun n'est traité.
Quand on pense que le héros fustige l'héroïne pour avaler tout rond, pour ne pas mâcher sa viande...le réal réalise-t-il qu'il fait pareil avec son ouvrage prémâché, sans corps, sans résistance, sans nerf, sans muscle?
Larder cette substance sans passion avec une mise en scène qui n'a rien à monter puisque tout est verbalisé (à 2 tentative près), une musique pénible qui dévore l'écran puisque la réal est à la ramasse. Voilà la recette de cette 𝐛𝐥𝐮𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐭𝐫𝐨𝐩 𝐜𝐮𝐢𝐭𝐞 qui n'a de comédie que le tag de genre.
Il faudra toute 𝐥𝐚 𝐦𝐚𝐥𝐢𝐜𝐞 𝐞𝐭 𝐥𝐞 𝐜𝐡𝐚𝐫𝐦𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐦𝐞́𝐝𝐢𝐞𝐧.𝐧𝐞.𝐬 pour donner un peu de vie à cette histoire factice et forcée. Heureusement, de ce côté-là, les ingrédients sont de qualité supérieure.
Moralité: fabriquer autant de temps de cerveau disponible sans aucune coupure pub, c'est gâcher.