Quelle drôle de marotte de transposer au réel le monde des Comics ! Existe-t-il, sur Terre, des super-humains ? Shyamalan, à l'époque où il travaillait encore ses films, traite un sujet de pop culture avec un sérieux désarmant. Il part simplement d'un raisonnement logique : si quelqu'un naît avec des os fragiles, il doit exister une personne, de l'autre côté du spectre humain, naturellement robuste. Outre leur constitution osseuse, tout semble opposer David et Elijah : la couleur de peau, la situation sociale, les vêtements, la chevelure, le tempérament, les centres d'intérêt.
En deux scènes, Shyamalan nous fait comprendre la tristesse de David.
On le voit d'abord retirer son alliance pour tenter une approche de séduction. Puis, après son échappée miraculeuse, on assiste à la réaction retenue de sa compagne, et à la façon dont, par un mouvement d'union du fils, leurs mains s'enlacent puis se lâchent : le couple ne tient plus que pour l'enfant
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Derrière ses aptitudes physiques hors-normes, David souffre de dépression.
Grâce à Elijah, il prend conscience de ses pouvoirs –; quoiqu'on ait du mal à avaler qu'il ne se soit jamais posé de questions sur sa santé inébranlable – : une force impressionnante, un corps ultra-solide et un don de vision. Don qui montre ses limites, notamment lors de la scène de fouille. À l'instar des super-héros de Comics, David reste une personne sensible, avec ses faiblesses. Notamment une peur de l'eau, héritée d'une expérience de noyade
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Mais, entre le super-humain et le super-héros, il y a un fossé.
Joseph, armé d'un pistolet – situation qui rappelle la statistique inquiétante du nombre d'enfants connaissant la cachette des armes dans le foyer aux États-Unis –, pousse son père à faire usage de ses "pouvoirs" pour le Bien. Scène qui donnera lieu à une séquence musicale où David teste ses facultés de voyance, puis sauve deux femmes séquestrées par un psychopathe. Mise en scène encore au rendez-vous, avec la pluie qui évoque à la fois la purgation, l'opacité du crime, la résignation de David et son hydrophobie. Pluie qui lui donne aussi l'occasion de porter un long K-Way, dont la silhouette, dans l'obscurité, ressemble à une cape
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Une écriture drôle et maîtrisée. Beaucoup de bonnes idées de réalisation aussi, bien que Shyamalan soit parfois à la frontière de l'afféterie, notamment lorsqu'il substitue des mouvements de caméra au classique montage champ/contrechamp – dynamisation intéressante cependant, mais qui, répétée, peut traduire une démarche m'as-tu-vu.