A l’opposé du récent film américain « The Hunt », qui présente les sujets tabous de la société contemporaine comme impertinents, voire inabordables à travers un langage que l’on rebute, détourne ou refuse d’employer, Jean-Pascal Zadi et John Wax penchent pour une approche tout aussi frontale, mais plus ludique du terme « noir ». Il ne s’agit pas foncièrement de militer en faveur d’une communauté ethnique, car les clés de la compréhension résident dans les nuances et des confusions qui en découlent. Le film n’a pour seule arme que l’absurde dans sa forme et enfile un épais scaphandre à l’effigie de la comédie, mais il existe un fond plus malin, bien écrit, mais trop fragmenté en divers sketchs, que le faux documentaire satirique présenté finit par s’embourber dans une caricature, loin d’être la problématique principale de cette marche contestataire symbolique.
Les dialogues sont aussi riches que les discours de fond et on peut se permettre de confronter plusieurs idéaux, notamment à travers des personnalités françaises. Il est donc question d’une crise identitaire, car dans cette confusion et les diverses réceptions au bord de la folie, la France est tout aussi étourdi aujourd’hui. Chacun ne sait plus vraiment comment faire vivre ses valeurs ou les véhiculer et JP, le personnage de Zadi, lutte justement pour enterrer les clichés, en les emballant soigneusement dans des situations rocambolesques et rigolotes. Oui, l’humour fonctionne malgré une narration saccadée et un dénouement limité. Mais ce que le film provoque est un souffle ludique, un temps mort nécessaire et une analyse pertinente de certains modes de vie. Le parti de la production, ce sont les témoignages que chaque célébrité pourra apporter, à sa manière, dans l’impasse des pensées les plus crues.
Cela nous rappelle ô combien les débats et les autres échanges sur le communautarisme sont vaines. Il y en toujours un pour bousculer l’autre, tantôt par frustration, tantôt sans raisons valables. On le démontre en prenant ses distances, comme le cadre nous le suggère souvent et fige le spectateur à son rôle premier, celui d’observer pour ensuite témoigner en retour. Cependant, la place de l’émotion est écartée, sans doute la faute à un mise en scène difficile à capter ou à exister. Ici, les mots prévalent sur ce que l’on voit ou que l’on ressent. Les comédiens ne sont alors plus considérés pour leur ethnie ou leur genre, ils finissent dans le même panier que ceux qui mélangent les cultures et les préjugés. Le politiquement incorrect devient alors la meilleure ligne de conduite afin d’appréhender le sarcasme d’une œuvre à la fois fine et pragmatique.
« Tout Simplement Noir » ne doit donc pas être regardé pour son apparence, mais pour sa poésie populaire. Et au-delà d’une société qui mute peu dans ses conflits sociaux, il est important de considérer l’approche cinématographique, souvent biaisée par des conventions et autres contraintes sociales qui régissent la morale et l’écriture des personnages. JP possède des similitudes avec l’industrie du 7ème Art, notamment dans l’hexagone, qui hérite de nombreux sujets tout aussi sensibles, mais qui ne les exploitent uniquement pour un ressort comique maladroit. Bien que toute ne soit pas maîtrisé dans ce récit, il réussira néanmoins à gagner en sincérité, au fur et à mesure qu’il trébuche sur un stigmatisme incompris.