J'étais partagé. D'un côté, j'avais peur de la comédie franchouillarde un peu bof menée par Kad Merad (dont je ne suis pas fan d'ailleurs) et de l'autre, l'histoire vraie de cette pièce de Samuel Beckett jouée par des détenus intriguait beaucoup le théâtreux en moi ! Et finalement, j'étais très surpris car alpagué par une histoire humaine et émouvante, réjouissante et différente. Un comédien sur la brèche, en plein creux de la vague dans sa carrière, entame une série d'interventions théâtrales dans une prison, sans convictions. Mais bien vite, une idée lui vient ; monter la pièce absurde "En attendant Godot" de Beckett avec les détenus dont il a la charge... C'est un feel-good movie, une comédie sociale, une aventure collective que nous sert ici Emmanuel Courcol pour son deuxième film. Contre toutes attentes, le processus en huis-clos des répétitions n'est jamais redondant. Avec des ingrédients simples mais efficaces, le film déjoue habilement nos attentes, sans jamais sombrer dans un optimisme ou un pathos trop facile, mais en imbibant d'espoir un milieu qui en est dénué. Le partage, la solidarité, la rédemption, la liberté, l'ouverture et les bienfaits de l'art, l'aide, la vocation sont des valeurs mises au centre de ce film touchant, rythmé avec beaucoup de panache et de fluidité. Grâce à la force d'interprétation des acteurs, des écorchés vifs à l'imaginaire violent mais au potentiel insoupçonné, "Un triomphe" vibre de justesse et d'une énergie communicative. Sofian Khammes et Pierre Lottin signent des prestations incroyables d'indomptables filous, riches en variations. Marina Hands est également très convaincante dans cette fresque exclusivement masculine. Et ça m'étonne de le dire, mais Kad Merad tient sûrement là son meilleur rôle. Il est intéressant car à la fois en quête de reconnaissance et de lui-même, dévoué à sa troupe, exigeant et malin. Et tout ça servi par le prisme de Beckett, cet inépuisable trésor de l'absurde...