Aller voir ce film, lundi 20 juillet 2 020, soit 3 mois avant sa sortie officielle m’a fait me poser une question essentielle. Pourquoi est-ce que je suis aussi sensible au cinéma d’Albert DUPONTEL ? Pourquoi, depuis maintenant 24 ans, et alors même que j’ai détesté son premier film Bernie (1 996) lors du premier visionnage, suis-je si attaché à cet acteur-auteur-réalisateur ?
D’ailleurs, quand j’y repense, je n’aimais pas non plus ses premiers sketchs. L’éclosion de Dupontel correspondant peu ou prou à la création de la radio FM Rire et chansons. J’y ai donc entendu ses premières prestation, notamment Rambo qui, à l’époque, étant donné que j’étais beaucoup trop premier degré et déjà fan de Stallone, ne me faisait pas rire. Alors qu’aujourd’hui je suis l’heureux propriétaire du coffret DVD collector des Sales spectacles 1 & 2 et Les sales histoires, et je ris comme un bossu en les regardant.
Ses premières prestations d’acteur ne m’ont pas marqué plus que cela, que ce soit dans Giorgino (Laurent BOUTONNAT, 1 994) ou Un héros très discret (Jacques AUDIARD, 1 996). Non pas qu’il y jouait mal, mais ses rôles n’étaient pas marquants. La première prestation marquante d’Albert est pour moi Serial lover (James HUTH, 1 998) où il tient le premier rôle masculin et se montre aussi attachant qu’inquiétant et montre (déjà) une certaine propension, voire une propension certaine, à la déviance. Enfin, LE film qui me fera définitivement changer d’avis sur lui, c’est La maladie de Sachs (Michel DEVILLE, 1 999). Car, finalement, ce rôle de médecin qui tombe malade de ne pouvoir soulager les autres n’est-il pas le reflet de cet homme ? Albert (oui, je me permets quelque familiarité puisqu’il a répondu à ma question lundi soir), lui-même fils de médecin, ayant commencé des études dans ce domaine avant de bifurquer vers la comédie, éternel révolté contre la misère humaine et « l’idiocratie » érigée en précepte d’état, qui essaie modestement de faire bouger les lignes à travers son art ressemble tellement à ce docteur. C’est là le début d’une longue série de rôles aussi variés qu’intéressants dans lesquels il mettra toujours toute sa « viscéralité » au service de ses personnages. Et finalement, c’est ça qui me plaît tant chez lui : tout vient des tripes. Je pense qu’il n’y a pas de second degré dans son jeu, ni de prise de recul. Il incarne ses personnages avec la plus grande sincérité, conscient de ses propres limites, mais jamais caricatural. Retenons les principaux, en dehors de ses propres réalisations, Irréversible (Gaspard NOE, 2 002), Deux jours à tuer (Jean BECKER, 2 008), En équilibre (Denis DERCOURT, 2 015), dans lesquels il se surpasse et parvient même, pour le dernier, à tirer la comédie romantique vers le drame (avec la complicité de l’excellent Cécile De France).
Mais revenons à l’auteur/réalisateur, puisque les deux vont systématiquement de paire. Ce septième long-métrage ne fait pas exception à la règle : la quête de la maternité/paternité est bien présente, ainsi que celle de l’amour. Albert DUPONTEL s’interroge lui-même sur le sujet puisqu’il nous a expliqué venir d’une famille bourgeoise où il n’a jamais manqué de rien et a été choyé, mais cela constitue une obsession. Même lorsqu’il adapte (Au revoir là-haut en 2 017), la thématique est au centre du récit et des angoisses d’Edouard (Nahuel PEREZ BISCAYART), le héros. Il nous entraîne cette fois sur les traces de Suze (Virginie EFIRA) qui, se sachant condamnée, décide de retrouver à tout prix le fils qu’elle a été obligée d’abandonner à la naissance, alors qu’elle n’avait que 15 ans. Dans cette quête, elle croisera JB (Albert DUONTEL), cadre cinquantenaire en plein « burn out » et aussi désespéré qu’elle, bien que pour d’autres raisons. Ces deux solitaires devront apprendre à cohabiter et s’entraider, avec la complicité de M. Blin (Nicolas MARIE, une fois de plus époustouflant). Rien de très nouveau me direz-vous. Et, effectivement, je ne pourrai que vous donner raison.
Et pourtant, une fois de plus, il m’a cueilli émotionnellement et techniquement. Le réalisateur s’est encore fendu de plans absolument époustouflants de beauté et qui traduisent les sentiments de ses personnages (j’en veux pour preuve la montée de l’escalier en colimaçon et le plan des deux héros sous la voiture face à l’intervention policière). Et puis, il y a cette petite musique bien connue qui fait monter l’émotion crescendo jusqu’à l’apothéose finale. Dont je ne révélerai rien ici, vous vous en doutez. Mais je peux vous dire que l’auteur a concocté une fin aussi abrupte que bouleversante. Soyez donc prévenus : si le ton du film est dans la droite lignée de ce qu’il a déjà réalisé, la conclusion est beaucoup plus pessimiste. Comme si l’adaptation d’Au revoir là-haut et son final nihiliste (auquel Dupontel n’a pu s’empêcher d’ajouter une note positive), l’avait autorisé à aller au bout de son raisonnement et de son propre pessimisme.
Je voudrais conclure avec un mot sur les acteurs du film, qui sont tous parfaits. Là aussi réside l’un des grands talents de Dupontel : la direction d’acteur. Il sait tirer le meilleur de ses interprètes. Virginie EFIRA, contrairement à ses dernières prestations n’est absolument pas utilisée pour son physique enchanteur, bien que son charme à l‘écran soit indéniable, mais pour sa sensibilité et la finesse de son jeu. Elle ne glisse jamais dans le pathos et reste d’une sobriété à toute épreuve. Nicolas MARIE aura quant à lui joué dans TOUS les scénarios originaux de Dupontel et réenfile cette fois le costume du clown de service, comme dans 9 mois ferme (2 012) ou Le vilain (2 008). Mais il sait distiller les sentiments et rend son personnage particulièrement attachant. Je peux vous assurer que les apparitions des autres acteurs (grands ou moins grands) dans de petits rôles ne sont pas en reste et amènent le rire là où on ne l’attend pas forcément.
Donc, oui, j’ai ENCORE aimé le dernier Dupontel et j’attends avec impatience le prochain qu’il nous a pitché lors de la séance de questions-réponses à laquelle il s’est prêté avec simplicité et beaucoup d’humilité. S’il fallait encore des raisons pour que j’apprécie un peu plus l’homme derrière l’artiste, il me les a données.