Quoi on en dise et quoi qu’on en pense, au moment même où pas mal se déballonnent, Albert Dupontel va au charbon en sortant son film, certains diront même qu’il part au casse-pipe, l’avenir le dira. C’est surement son côté franc-tireur qui s’exprime ! Si l’on excepte « Au revoir là-haut » qui était une adaptation, les longs métrages d’Albert Dupontel sont vite reconnaissables : moins de 90 mn pied au plancher, une brochette de guest star parfois dans des rôles à la limite de la figuration, une réalisation plus proche de Tex Avery que d’Eric Rohmer et un humour noir et irrévérencieux qui franchit les limites du bon gout en leur donnant un coup de latte au passage ! Sur des sujets souvent très lourds, il compose des comédies explosives sans jamais avoir peur de l’excès. Avec « Adieu les cons », il signe une comédie qui coche toutes les cases du « cinéma de Dupontel », son film est formidablement tenu, filmé avec soin, la musique colle à l’image comme il faut, c’est rythmé, ca va à 1000 à l’heure, on passe du rire aux larmes en 15 secondes, les plans et la photographie sont léchés, tout est hyper maîtrisé et c’est, comme d’habitude, du super boulot. Dans la forme, il n’y a absolument rien à redire à « Adieu les cons », c’est du très bon cinéma. Et puis, il sait écrire des rôles de femmes, et ce n’est pas la première fois que je me fais cette réflexion. Ici, Virginie Efira est éblouissante, très belle, elle fait passer toutes les émotions possibles avec délicatesse dans le rôle de cette quadragénaire qui va mourir, et qui voudrait réparer sur le tard un regret qui l’a hanté toute sa vie ;
revoir le fils qu’elle a du abandonner parce qu’elle n’avait que 15 ans et qu’elle a cédé à la pression parentale.
Elle n’en finit pas de me surprendre, Virginie Efira, et je me demande jusqu’où elle ira… Albert Dupontel semble se mettre presque un peu en retrait, tellement elle irradie sur le film. Lui est semblable à lui-même dans un rôle qui semble lui ressembler : un surdoué mal intégré dans la société, carrément dépressif et carrément génial, l’un étant peut-être la conséquence de l’autre. Et puis, il y une pléthore se seconds rôles joliment croqués, de Michel Vuillermoz à Kyan Khojandi, de Laurent Stocker à Terry Gilliam (à qui le film est dédicacé, certains y voit un clin d’œil à « Brazil »), de Philippe Uchan à Jakie Berroyer, tous sont formidables même dans des rôles minuscules. Mais le meilleur de tous, c’est encore une fois Nicolas Marié. En archiviste aveugle,
phobique de la Police et amoureux mal dissimulé de Suze,
il est à l’origine de presque toutes les situations irrésistibles du film, dégoupillant à lui seul toute la noirceur des deux personnages principaux. Parce que c’est vrai, « Adieu les cons » nous prend un peu en traitre par sa noirceur. Je ne m’y attendais pas, à vrai dire, la bande annonce et l’expérience que j’ai du cinéma d’Albert Dupontel m’avaient un peu leurré : le film est bien plus noir et désespéré que ses films précédents. C’est comme si, l’âge avançant, Dupontel n’arrivait plus à masquer son pessimisme et sa vision très dure de la vie et de la société moderne. Avec « Adieu les cons », il franchit un cap, il ose une noirceur assez inédite, qui lui va bien même si, en tant que spectateur, elle plombe un peu ! Les obsessions de Dupontel sont toutes bien là, dans un scénario qui va, comme d’habitude, moquer la police, l’autorité, l’administration. Tous ces pouvoirs sont dépeints sans aucune nuance : bêtes, méchants et lâches, la totale ! Il y a évidemment, en plus de ces exagérations, des raccourcis et des invraisemblances qu’on ne peut pardonner qu’à lui,
comme avec le personnage de Jackie Berroyer.
Il y a aussi dans le scénario d’ « Adieu les cons » une double histoire d’amour, c’est assez inhabituel chez Dupontel, mais c’est plutôt délicatement traité.
« Adieu les cons » est une comédie tragique mais une comédie quand même, alors on rit, on accepte les invraisemblances, on s’attache à ces deux personnages désespérés
et sans avenir,
on marche dans la combine jusqu’au bout. Mais son film n’a pas la puissance de « 9 mois fermes » ni l’inventivité de « Enfermé Dehors »,
et sa fin très noire y est pour beaucoup. D’habitude, quand on sort d’un film de Dupontel on a la banane et la niaque, mais ici, on sort un peu déprimé et assommé par un plan final qui vous a presque giflé.
Ca ne remet pas en cause la qualité du film, son formidable travail de réalisateur, de sa direction d’acteur, la composition de Virginie Efira ou de Nicolas Marié, c’est juste que son film est un tout petit peu trop plombant pour la période actuelle. Mais c’est une impression toute personnelle, et je m’en voudrais qu’elle décourage une seule personne d’aller en salle car « Adieu les cons » reste un film de qualité, hautement recommandable. Peut-être est-ce que j’en attendais un tout petit peu trop…