Après nous avoir pondu un "Territoires" aussi osé qu’engagé, j’étais assez curieux de voir si Olivier Abbou allait continuer dans la même veine avec son deuxième long métrage. Et bien force est de reconnaître que ce monsieur est réellement doué dans l’art de surprendre ses spectateurs aussi bien dans le fonds que la forme, et ce avec une facilité déconcertante voire « diabolique ». Cette fois-ci on s’attarde sur un couple et leurs fils qui rentrent de vacances mais qui n’arrivent pas à rentrer dans leur domicile qu’ils avaient confié à la nounou du gosse pendant leur séjour. A la suite d’un obscur acte écrit qu’ils ont passé avant leur voyage, la nounou et son compagnon sont officiellement « locataires » des lieux et y résident légalement alors que les propriétaires, eux, doivent vivre dehors dans leur camping-car sans aucune chance de réinvestir leur domicile. Original n’est-il pas ? En effet, à partir d’un postulat de base dramatique assez simple, Abbou nous propose un nouveau type de « home invasion » basé sur les codes du genre mais fonctionnant « à l’envers » (un « self invasion » donc ?!) mais qui va peu à peu basculer dans une sorte de thriller social parano, offrant ainsi une vision tout sauf prévisible d’une histoire dont bien malin sera celui qui saura anticiper l’évolution et deviner le dénouement ! La force principale de "Furie" est de ne pas, comme on pourrait le croire, de s’attarder sur les faits mais plutôt sur la psychologie de son personnage principal. En effet, en plus d’être confronté à une situation aussi rocambolesque qu’irritante, notre héros va se retrouver confronté aux principales formes de « violence sociale » visibles dans la société française actuelle :
paperasse administrative, déclassement social, préjugés, racisme, remise en cause de la virilité
…autant d’obstacles qui vont mettre en doute ses valeurs et son identité, provoquant ainsi une nouvelle « invasion » cette fois-ci psychologique le plongeant petit à petit dans une névrose paranoïaque et autodestructrice. Ce cauchemar éveillé qui s’amplifie de plus en plus nous prend aux tripes car nous finissons par nous identifier à ce pauvre type qui a l’impression d’avoir l’univers entier contre lui, mais aussi parce que nous comprenons que tout cela va finir par exploser et très mal se terminer….Pourtant rien, absolument rien ne peut vous préparer à l’ hallucinant climax de "Furie" : sans concessions parcouru de certaines fulgurances visuelles et graphiques (Dario Argento, Gaspar Noé et Tobe Hooper ne sont pas très loin !!) et refusant d’utiliser les facilités de mises en scène moderne (point de jumpscares outranciers ici), Abbou nous invite alors à un spectaculaire jeu de massacre jouant intégralement la carte de l’horreur, où la violence sociale amenée jusqu’ici finit par s’incarner dans une agressivité inhumaine quasi bestiale à la limité de la monstruosité. Bourrin, gore et décomplexé, mais toujours dans le sens (extrêmement poussif je vous l’accorde) de sa démonstration sociologique. Bref, Olivier Abbou nous prouve avec "Furie" que son "Territoires" n’avait rien à voir avec la chance du débutant et qu’il fait bien partie du nouveau cinéma de genre français avec tous les honneurs qu’il mérite : son nouveau cauchemar prend la forme d’un thriller qui explore les névroses du « mâle » français, tout en questionnant un système qui, aux travers de ses dérives, parvient à transformer les individus en victime et les victimes en prédateurs. A la fois ludique et cruel, "Furie" est réellement une authentique proposition de genre au sein de notre traditionnel cinéma hexagonal un peu trop pantouflard !