La comédie musicale ne fait pas partie des genres que j'affectionne au cinéma. Mais, poussé par les critiques élogieuses entendues ça et là, je me suis enfin décidé à visionner celle-ci, en craignant le pire.
La faute à Lars Von Trier, dont certains travaux m'ont laissé un souvenir énigmatique.
La faute à Björk, dont l'univers musical me semblait insondable.
La faute au festival de Cannes attribuant parfois ses palmes à des films sans intérêt.
C'est donc en armure de chevalier, accompagné d'une armée d' a priori et de préjugés, que je me suis lancé pour affronter cet univers tant redouté, prêt à déguerpir au moindre enlisement. Mais à la fin, je me suis retrouvé désarmé, anéanti, totalement conquis.
Tout d'abord, il ne s'agit pas d'une comédie, mais d'un drame d'une profonde noirceur.
Le côté musical n'intervient qu'après environ quarante minutes, avec la première chorégraphie.
Lars Von Trier prend d'abord le temps de nous habituer à ses personnages, filmant au plus près des acteurs, comme à son habitude, sans trop se préoccuper de la symétrie des plans dans les mouvements.
Puis vient donc, cette première scène dansée, complètement inattendue et révolutionnaire, réalisée avec une grande maestria. En reliant le rythme mécanique des machines industrielles avec l'expression des corps et des chants des ouvriers, on entre dans une autre réalisation, une autre direction, une autre conception.
A partir de là, tout va se mettre en route dans un savant jeu d'oppositions et d'harmonies.
La candeur innocente de Selma et son aveuglement progressif, face à l'aveuglement du monde qui l'entoure.
La façon de filmer du réalisateur. Scènes réelles qui nous enfoncent dans le drame, contre scènes chorégraphiées, débordantes de poésie, qui inondent le récit d'immenses bouffées d'air salutaires.
Dans une impeccable partition des acteurs, Björk transperce les cœurs les plus hermétiques, et sa prestation restera à jamais gravée dans ma mémoire comme l'une des plus touchante de l'histoire du cinéma.
Ce film sur le sacrifice est, entre autres, un fort réquisitoire contre l'exploitation des ouvriers, le pouvoir de l'argent, la corruption de l'ordre, et, bien sûr, la peine de mort.
Comment insuffler de l'espoir et de la poésie dans un monde cruel et désenchanté?
En commençant par aller voir ou revoir "Dancer in the Dark". Bouleversant!