Je vais commencer cette critique par un mea culpa : après avoir vu son médiocre « Le Talent de mes amis », je croyais Alex Lutz perdu pour le cinéma (en tant que réalisateur) et pensais même ne plus le revoir avec cette casquette. Autant vous dire que lorsque j'ai appris l'existence de ce second film, je suis resté assez indifférent. Et puis, j'ai pris connaissance du sujet, que j'ai trouvé très original, accentué par des critiques forts positives... au point de me laisser tenter. Bon, histoire d'être quand même un peu de mauvaise foi, il faut aussi reconnaître que « Guy » est tourné à 90% caméra à l'épaule, ce qui ne permet pas de vraiment se rendre compte des compétences techniques du monsieur. En revanche, ce dont on peu se rendre compte, c'est que ce dernier a beaucoup d'idées et sait très joliment les exploiter. Loin de se contenter de son point de départ, celui-ci sait donner beaucoup de personnalité à ce Guy Jamet, aussi bien à travers son (excellente) interprétation (chapeau aux maquilleurs, en passant : du superbe boulot) que ses répliques, laissant à la fois un vrai mystère chez le bonhomme tout en le rendant suffisamment accessible et complexe pour que l'on s'intéresse, voire s'attache à lui. Lutz n'a aucun mépris pour ces chanteurs de variétés des années 60-70, bien au contraire : il leur rend un hommage ému, retraçant en filigrane toute une époque, avec nostalgie voire mélancolie, sans pour autant tomber dans le pathos. Inventer un faux chanteur de l'époque permet à la fois d'évoquer chacun d'entre eux (les vrais, j'entends) tout en offrant une réelle œuvre de fiction aux spectateurs, où il est, par définition, impossible de connaître parfaitement Guy ou sa carrière. Bravo également pour la création des clips : on s'y croirait, tout comme les chansons, dont l'émouvant « Dadidou », semblant faire écho au « Comme d'habitude » de Claude François tant elle est au-dessus dans la qualité des paroles (sauf que Cloclo, lui, n'écrivait aucune de ses chansons). Dommage qu'Alex Lutz se soit senti obligé de faire durer son film 1h40 : il faudrait vraiment dire à tous ces réalisateurs que si le résultat est meilleur avec vingt minutes de moins, ce n'est pas grave ! Lui aussi commet donc l'erreur de vouloir donner une durée « standard » à son faux documentaire, le dernier quart paraissant inutilement longuet et n'apportant pas grand-chose à ce qui avait pu être développé auparavant, à l'exception de quelques très jolies paroles de conclusion, d'une justesse et d'une vérité presque troublantes. J'en suis sorti presque frustré, déçu de ne pouvoir m'emballer comme je m'apprêtais à le faire seulement quelques instants auparavant ! Maintenant, je me dis qu'il serait quand même dommage de me focaliser là-dessus au vu de tout ce qu'a pu proposer d'original, intelligent et touchant l'acteur-réalisateur jusque-là, prenant également un soin particulier à tous les personnages secondaires (mention spéciale à Pascale Arbillot), y compris ceux ne faisant que passer, l'occasion de caméos apportant pour une fois un vrai plus à l'ensemble. Comme quoi, tout le monde mérite une seconde chance, en espérant qu'elle ne sera pas sans lendemain.