Au travers de quatre films d'animation cultes, Mamoru Hosoda s'est forgé une carrière de véritable nouveau prophète du Cinéma d'Animation Japonais, jusqu'à être considéré comme le digne successeur d'Hayao Miyazaki. Une réputation très difficile à maintenir quand on a à son actif le meilleur film du genre hors-Ghibli, en particulier aujourd'hui où chacune de ses œuvres provoquent à juste titre une attente démesurée. Miraï, ma petite sœur (Mirai no Mirai) correspond à une réponse qui révèle une mentalité très clairvoyante de l'auteur.
Délaissant les fables épiques aux thématiques globales pour une histoire à plus petite échelle, Mamoru Hosoda tisse avec Mirai no Mirai son histoire la moins ambitieuse mais pas moins personnelle, voire plus.
S'inspirant de ses propres enfants, il prend le risque de devoir porter toute une histoire focalisée sur les responsabilités et l'attachement sur les épaules d'un personnage de quatre ans, impliquant l'inexpérience de la vie et un désir simple dont la frontière entre amour et caprice est mince pour un petit être faisant encore ses premiers pas. Un prisme qui détonne de ses précédents films où ses personnages étaient déjà des individus ayant fait l'expérience de douloureuses épreuves, même parmi les plus passifs. Et ce n'est pas la seule différence qui conduit Mirai no Mirai vers de toutes nouvelles directions.
L'histoire est logiquement à hauteur de petit enfant, humble et léger. Se concentrant surtout sur le petit Kun devant apprendre à accepter sa petite sœur comme une nouvelle part intégrante de sa famille.
Les enjeux sont donc peu élevées mais à la portée plus humaine. Point de grandes envolées émotionnelles ni de dualité entre deux univers ou même de moment de désespérance finale qui provoquaient une immense charge émotionnelle dans les films de ce réalisateur, Mirai no Mirai prend une direction différente, cherche avant tout à raconter, ou plutôt retranscrire, l'évolution réaliste d'un enfant pour apprendre à aimer ce qui menace son doux microcosme familial.
L'objectif et les étapes pour y parvenir sont même si simples que la structure du film l'est tout autant. Kun reste principalement dans sa petite maison (aux repères très bien gérés pour nous familiariser le plus possible avec son foyer) dont on ne sort jamais sauf (à une exception près) pour les fameuses évasions surréalistes. Et chacune d'entre-elles conduit le petit garçon à faire un pas en avant après une faute grave. L'évolution entre chaque voyage est si net et le schéma si répétitif que le film ressemble presque à une succession de scénettes dont la principale composante est le repli du petit garçon.
Une inévitable répétitivité mais qui a toujours était un point de chute pour Mamoru Hosoda: la tranche de vie. Les séquences qui conduisent Kun vers un autre plan de l'existence aux frontières floues avec la réalité étant des petits voyages pour explorer les différents coins de sa famille afin de mieux comprendre ce qui l'entoure pour en revenir au plus important dans la réalité.
Car le réalisme est bien la première recherche d'Hosoda pour son film. Jamais il n'aura atteint un tel niveau de vérité dans la retranscription des gestes et des réactions de ses personnages. La moindre mimique dessinée en dévoile beaucoup, même dans les situations extraordinaires. Cette recherche ultime de réalisme dans son propos est une trouvaille de génie autant dans l'idée que dans sa pratique, à reproduire les bêtises juvéniles les plus simples et les plus sincères résonnant au plus profond du cœur de l'enfant en chacun de nous. Cela rend cette histoire moins percutante qu'à l'accoutumée car elle doit rester dans les limites des possibilités d'un jouvenceau, mais cette captation de l'insouciance enfantine fait de Mirai no Mirai un moment les plus humains qu'Hosoda a pu réaliser.
Car quoi de plus humain pour un enfant si jeune de devoir faire face à la jalousie comme première véritable épreuve de la vie ? Quoi de plus difficile à accepter que notre bulle de confort idéale puisse éclater à cause d'une petite sœur qui s'accapare l'attention ? Une épreuve comme une autre nécessaire pour grandir et assumer ce que l'on est, accepter nos nouvelles responsabilités et forger son propre avenir, cette succession de petits moments qui font la vie, comme l'ont fait ceux qui nous ont précédés.
Des thématiques si fortes que Mamoru Hosoda a si bien traité avec ses précédentes pièces de musée, mais qu'il continue de renouveler de différentes manières avec, ici, légèreté, amusement et apaisement. Entre un enfant acceptant d'aimer le nouveau maillon de sa chaîne de vie, un chien si rattaché à ses pairs qu'il est autant humain que ces derniers, et des parents faisant le constat du changement que procure l'aventure parentale dont chaque instant, même déplaisant, est un cadeau.
La relation fraternelle est des plus compliquée. Semée de contradictions entre railleries et bons gestes mais dont le fond est toujours imprégné d'un profond respect envers l'autrui. Rien qu'une amitié ne pourra surpasser la chaleur procurée par un amour indestructible et inconditionnel. Un sentiment qu'Hosoda tenta de faire naître en étincelle pour Makoto dans La Traversée du temps, à alimenter entre Kenji et Natsuki dans Summer Wars, à exploser pour Hana et sa progéniture dans Les Enfants loups, Ame & Yuki, à brûler passionnément pour Kyuta et Kumatetsu dans Le Garçon et la Bête jusqu'à Mirai no Mirai où il lui pince innocemment la joue avec un sourire de compassion, celui dont le regard posé sur cette simple esquisse d'innocence vaut toute les excuses et tous les remerciements du monde. En attendant de savoir quelle sera la nouvelle introspection que Mamoru Hosoda tentera pour explorer une nouvelle itération de ce sentiment si humain.