Avec un rythme de sortie d’une régularité de métronome mais toujours suffisamment de temps à sa disposition pour livrer des travaux soignés, Mamoru Hosoda s’est imposé en une petite dizaine d’années comme le deuxième pôle essentiel de l’animation japonaise. Hosoda est un artiste sensible qui prête une attention toute particulière aux liens familiaux, qu’ils soient étendus à la famille élargie comme dans ‘Summer wars’, maternels comme dans ‘Les enfants-loups’ ou paternels comme dans ‘Le garçon et la bête’, qu’il a toujours été pris soin de présenter comme des entités mouvantes, qui s’adaptent aux forces en présence au lieu de chercher à les plier à une définition dogmatique. Kun, un petit garçon de 3 ans, n’arrive pas à gérer l’arrivée de sa petite soeur, dont il est convaincu qu’elle le prive de l’attention et de l’amour de ses parents. Et comme tout petit garçon de 3 ans, il ne sait manifester son désarroi que par la tristesse, la colère et les crises à répétition, au risque d’épuiser la patience de ses parents qui ont déjà beaucoup de mal à gérer au mieux l’arrivée du nourrisson. Heureusement, au contact de l’arbre - généalogique ? En tout cas, clairement magique - du jardin, Kun va voyager dans le temps et l’espace, ou peut-être seulement dans son imagination, et croiser des figures familières et pourtant jamais rencontrées auparavant, comme son chien, sous forme humaine, sa petite soeur, telle qu’elle deviendra à l’adolescence ou son arrière grand père, jeune homme, au sortir de la Seconde guerre mondiale. Ces étonnantes rencontres lui permettront d’apprendre à percevoir les choses d’un point de vue extérieur au sien, de mettre au clair la relation qui se tisse entre lui et le bébé et, surtout, d’appréhender sa place et son rôle au sein de la cellule familiale et du cycle des génération. On sait que les histoires de Mamoru Hosoda sont éblouissantes, esthétiquement parlant, et que leur classicisme semi-réaliste n’est pas loin d’être ce qui se fait de mieux en animation japonaise On sait aussi qu’elles sont terriblement émouvantes, tant elles ont le don d’accéder en un tour de main à l’universalité dans leur approche du processus de paternité, de maternité ou de transmission familiale. De prime abord, la réussite de ‘Miraï, ma petite soeur’ est moins évidente : moins grandiloquent qu’un ‘Summer wars’, moins guerrier que ‘Le garçon et la bête’, il fait partie de ces chef d’oeuvre discrets qui n'éblouissent peut-être pas autant que d’autres au premier regard, mais exercent leur séduction tout en profondeur et sur la durée, grâce à l’humilité avec laquelle ils transfigurent les détails les plus anodins du quotidien. Tout dessiné qu’il soit, Kun est le petit garçon le plus “réel” qu’il m’ait été donné de voir depuis longtemps. Ses mimiques sont attendrissantes et on partage sans difficulté ses frustrations, son émerveillement ou sa peur devant l’inconnu. Dans le même ordre d’idée, les tensions au sein de la sphère familiale, entre un père qui fait ce qu’il peut avec toute la bonne volonté matinée de maladresse du monde et une mère épuisée par les exigences tyranniques de sa progéniture, semblera instantanément familière à tous ceux qui sont passés par là, sans que jamais le curseur ne soit déplacé avec insistance sur les aspects les plus humoristiques ou excessifs de cette période tendue que traversent toutes les familles en devenir. On sort de ce film amusé, ému, charmé par son onirisme délicat et presque convaincu qu’on sait à présent ce que ça fait d’être dans les chaussettes d’un mioche de trois ans et qu’on fera preuve de davantage de compréhension à la prochaine crise : un engagement auquel on se tiendra fermement...jusqu’à la prochaine crise !