Un seul être vous manque et tout est dépeuplé.
Le vers de Lamartine s'applique au nouveau film de Hosoda. Mais on pourrait lui rajouter :
Un être arrive et deux êtres vous manque.
Miraï est la petite soeur de Kun mais il ne la connait pas encore. Dans une maison sur plusieurs niveaux aux fonctions bien distinctes, à sa hauteur, il attend. Pas l'arrivée de ce nouveau membre de la famille, non. Il espère le retour de sa mère. Dans sa salle de jeu, passionné par ses trains, il trépigne.
Kun est un dessin animé qui se comporte comme un enfant. Les mimiques sont exacerbées mais les émotions ne pourraient être plus humaine. Le réalisme de l'animation nous saisit dès les premiers flocons de neige qui suscite chez ce gamin à la bougeotte, un émerveillement des premières fois dont ne subsiste chez nous, adultes, qu'un vague souvenir teinté d'amertume. Le ton est donné et il ne changera pas pendant la prochaine heure et demie.
A travers l'arrivée de ce deuxième enfant, cette petite fille, le réalisateur des enfants loups nous dépeint avec un souci de réalisme le quotidien d'une famille en pleine adaptation. Si bien sûr, les sentiments de Kun envers sa petite sœur représentent le sujet central du film, ses parents ne sont pas en reste. Alors que le gamin voit brusquement son petit monde de fils unique voler en éclat, un nouveau rythme familial est à trouver et, Mamoru Hosoda décortique avec une justesse touchante et presque troublante tout ce quotidien à réadapter. En tant que parents, difficile de ne pas s'identifier à de multiples reprises aux événements qui se déroulent sous nos yeux, pour nous faire finalement conclure que malgré notre singularité, les grandes étapes de nos vies sont jalonnées d'expériences similaires.
Et, cette identification, couplée à la magie onirique de l'imaginaire débridé d'un Kun renfrogné, va faire des miracles. Tout en douceur, elle s'insinue sournoisement dans notre être, par nos yeux, nos oreilles, à mesure que notre petit bonhomme arpente les chemins temporels de l'acceptation d'une réalité contre laquelle il ne peut rien, coups de train ou pas.
De là, vont naître des rencontres temporelles, des croisements improbables du passé, du présent, et du futur, des échanges entre générations, des rires, des pleurs, de la frustration, des explications, des partages, des demandes, des conseils, autant d'actes et de sentiments qui vont s'enchevêtrer, s'enchaîner pour créer des liens indéfectibles qui donnerait presque à la vie une saveur éphémère d'immortalité.
Le message est simple mais si subtilement et poétiquement délivré qu'on ne peut que saluer l’œil doux et observateur d'un réalisateur qui ne cesse de creuser un chemin jusqu'au plus profond de nous même pour nous aider à atteindre et réveiller une petite flamme que notre quotidien étouffe.
L'enfance chez Hosoda est d'une simplicité magnifique, puissante et entière. Elle avance sans demie-mesure, tombe pour mieux se relever. Elle grandit et rayonne de sincérité et d'envie.
Et, lorsque les lumières de la salle se rallument, vous regardez votre mère, votre femme, vos enfants avec l'impression qu'elles sont subitement devenues bien plus importantes qu'elles ne l'étaient lorsque vous avez été plongés dans le noir, une heure et demie plus tôt.
Retour vers le futur moi !