** Salle de réunion des scénaristes de chez Blumhouse Productions - courant 2017 **
"Bon, les gars, quelqu'un a quelque chose à nous proposer pour lancer une nouvelle petite franchise d'épouvante pour les ados ? Rien de bien compliqué, hein ! Il faut juste juste que je finance la construction de ma nouvelle véranda.
- Moi, m'sieur, moi ! Je crois que j'ai un truc !
- Ah non, pas vous, Smitty, la dernière fois, vous nous avez proposé de mixer "Un Jour sans fin" à un slasher parfaitement idiot. On a bien ri mais il y a des limites !
- Mais on l'a fait, m'sieur ! "Happy Birthdead" que ça s'appelait. C'est même moi qui ait trouvé le titre tout seul comme un grand !
- Ah mince... Et ça a marché ?
- Vivivi ! On fait même une suite parce qu'il y avait tout plein de billets verts partout sur la table !
- Bon, dans ce cas... Parlez-moi de votre projet.
- C'est une idée... originale.
- Wowowow, vous savez que ce n'est pas un mot que j'aime entendre ici, Smitty !!
- Nan mais, ne vous inquiétez pas, ça l'est mais pas trop quand même. En fait, ça reprend le jeu "Action et Vérité" mais avec un démon qui tue les participants.
- Mouais... Dites m'en plus ?
- Ben voilà.
- Vous m'avez convaincu, prenez ce chèque et ramenez-moi au moins dix fois la somme qu'il y a marqué dessus ! Sinon, c'est la porte !!
- D'accord, m'sieur !
- Parfait ! Au fait, Smitty... Pourquoi diable êtes-vous habillé en Pikachu ?
-J'ai dix ans, m'sieur."
Voilà, à peu de choses près, le brainstorming intense qui a dû conduire à ce qu'on se retrouve avec un "Action ou Vérité" version teen-épouvante sur grand écran... Entre-temps, c'est à Jeff Wadlow (le réalisateur et la plus grosse faiblesse de "Kick-Ass 2") qu'a échoué la lourde tâche de diriger cette étrange affaire, à la jolie Lucy Hale et Tyler Posey d'en tenir les rôle principaux afin d'attirer le public cible qui les connaît bien et, enfin, à un pauvre scénariste -ah non, pardon, quatre scénaristes, QUATRE dont Wadlow- de broder une histoire un minimum crédible autour de ce concept qui ne l'est pas vraiment.
Pour leur dernière nuit de Spring Break au Mexique, Olivia et sa bande de potes suivent un parfait inconnu dans une église abandonnée en plein milieu du désert (soit...). Sur place, ce dernier leur propose de faire une partie d'Action ou Vérité (logique !). Lorsque son tour de "Vérité" survient, l'inconnu leur révèle qu'il n'avait pas pas d'autres choix que de les entraîner dans ce jeu soumis à une malédiction mortelle et prend la fuite. De retour aux États-Unis, Olivia et ses amis réalisent très vite que le mystérieux jeune homme ne plaisantait pas et les voilà tous pris dans un engrenage meurtrier qui va les faire tomber comme des mouches...
Des "Truth or Dare ?" écrits et vus absolument partout par les participants, des personnes à proximité dont le visage semble être passé "dans un filtre Snapchat chelou" (dixit l'héroïne, presque fabuleux qu'elle fasse la remarque elle-même !) leur proposant ce fameux choix et, bien sûr, une sentence mortelle dans les cas où vous refusez simplement de jouer et, évidemment, d'exécuter le gage ou de dire la vérité... Tel est le modus operandi d'un démon au nom de sirop pour la toux qui a quand même trouvé le moyen d'infiltrer un jeu verbal (ils sont vraiment très forts ces démons !) pour entraîner des jeunes naïfs dans ses griffes.
Une fois digéré ce point de départ invraisemblable, on entrevoit tout de même un certain potentiel par moment dans "Action ou Vérité" comme lorsque les gages se font plus cruels en s'axant sur les secrets les plus intimes ou les dépendances de leurs victimes (celui du toit est plutôt bien vu). D'ailleurs, rassurez-vous, l'intrigue écarte plus ou moins adroitement une de ses limites : les participants ne peuvent heureusement pas choisir tout le temps "Vérité" pour se mettre à l'abri du danger (ah ben oui, ils ont pensé à tout, c'est des malins !). On pourra aussi également reconnaître au film qu'il se regarde sans réel ennui : le démon, apparemment dépendant de son propre jeu, passe en effet très vite d'un participant à un autre (il utilise même Messenger s'il ne peut faire autrement) et donne au film un bon rythme en multipliant les gages et vérités demandés...
Mais, à part ça, "Action ou Vérité" est d'une linéarité confondante. Comme d'habitude, les héros remonteront aux origines de la malédiction pour tenter de la stopper pendant que leurs meilleurs potes à peine développés en quelques traits de caractère caricaturaux trépasseront sans qu'on s'en émeuve outre mesure. Le trio amoureux au coeur de l'intrigue et que le démon prendra un malin plaisir à manipuler dans tous les sens sera une des principales raisons au potentiel non-exploité du concept (il y avait pourtant et étonnamment moyen de faire un truc bien plus fun avec tout ça), les enjeux découlant de leurs rapports et de leurs cachotteries mutuelles ne passionneront guère. On se raccrochera alors à quelques moments ou répliques involontairement drôles dus à l'absurdité de la situation prise on ne peut plus au sérieux mais, au final, "Truth or Dare" sera une de ces productions Blumhouse qui se situe du mauvais côté de la balance, ciblant un public très jeune (quasiment tous les réseaux sociaux sont cités) et qui tombera vite dans les limbes de la teen-épouvantrie vite consommée, vite oubliée... avant une éventuelle suite bien entendu.