Fragments de discours amoureux et portrait sociologique implacable. Appartenant au "bon milieu culturel" dès lors que l'on est une plasticienne qui "vit de son art", le personnage d'Isabelle est du même coup condamné à l'errance affective. La statistique le confirme, dans le monde occidental, les femmes ayant fait des études, intelligentes, sensibles, et créatives ont du mal à se caser dans leur propre milieu même quand elles sont belles et formidables au lit. Nombre d'entre elles se reportent quand il s'en trouve sur des artisans au métier noble et traditionnel, encore détenteurs d'une virilité simple et généreuse. Dans ce film, la réalisatrice convoque un cortège d'hommes "arrivés" : compliqués, bavards, félons, d'une cruauté parfois perverse, insidieuse, qui malmènent tour à tour Isabelle simplement en mal d'amour, qui résiste, encore intacte. La révolte de celle-ci est contagieuse, comme elle, on a envie d'envoyer au diable tous ces bonshommes verbeux et blasés. L'unique moment d'amour authentique se déroule au bras d'un homme décalé et marginal. Ce film tragico-comique a été forcément rejeté par son public féminin, de même milieu que la protagoniste, qui ne peut supporter de se reconnaître dans le personnage d'Isabelle assigné à la solitude des femmes de son milieu, et par son public masculin, vexé de retrouver les copains égoïstes et narcissiques. Juliette Binoche a un métier d'enfer, elle colle à son personnage d'un bout à l'autre du film. Bien décidée à en remontrer à Gérard Depardieu, elle se montre éclatante dans la dernière scène et nous laisse entendre qu'il n'y a bien qu'une seule issue, forcément spirituelle, à cet enfer terrestre : le beau soleil intérieur.