Il y a dix-sept ans, la réalisatrice nous avait donné, avec "Trouble every day" une démonstration d'ennui dans l'observation de pathologies humaines. Avec un titre lumineux comme celui de sa nouvelle œuvre, il était possible d'espérer une volte-face positive et constructive. Mais, déjà, le simple nom de Christine Angot à la conception du scénario sème le doute. Et celui-ci n'est malheureusement jamais levé au cours de cette errance sentimentale aussi épuisante pour la malheureuse Isabelle que pour le spectateur.
Ce qui est paradoxal, c'est que, si l'on isole quelques plans fugitifs, dont celui qui illustre l'affiche du film, nous avons effectivement devant les yeux une jeune femme rayonnante, qui semble faire jaillir dans l'espace la lumière de son être intérieur. Mais dès que les rencontres commencent, que les tirades s'enfilent, que les réactions s'enchaînent, tout sombre dans la pathologie d'autant plus gravissime qu'elle semble insoluble. Totalement soumise aux éléments extérieurs et aux êtres qui l'entourent, incapable de fonder son parcours de vie sur une intériorité mature et stable solidement ancrée, en permanente demande et masturbation intellectuelle, assénant tout et son contraire, tournant en rond dans son errance intérieure, Isabelle recèle certainement un 'beau soleil intérieur', ce qui est le cas de chacun d'entre nous, mais en l'occurrence totalement occulté par une couche de cumulus qui ne semblent pas près de se désagréger.
Comme nous l'avions noté dans le commentaire sur "Trouble every day", ce n'est pas tant l'atteinte pathologique des protagonistes qui pose problème. Nombre d’œuvres de styles très divers ( "Faux-semblants", "La vie d'Adèle", "37°2 le matin"... ), nous ont accrochés, interpellés, bouleversés grâce à la plongée dans des déviances ou traumatismes profonds. Ce qui déconcerte ici, irrite, et, au bout du compte, ennuie, c'est l'approche qui est faite de cette personnalité fluctuante, inconsistante, à travers des séquences fondées sur des extrêmes qui ne quittent jamais la superficialité. Telle une girouette ballottée au gré du vent, Isabelle passe sans cesse de la soumission falote à la domination brutale, de l'ouverture aux inconnus à la fermeture morbide, habitant à grand peine des scènes languides qui n'avancent guère ou, la minute d'après, des ruptures explosives. N'ayant jamais lu d’œuvre de Christine Angot, j'ignore quelle est sa conception de l'amour, mais, au vu de cette histoire, il ne semble pas que ce soit un état d'harmonie ou d'union. Et lorsqu'elle se rend chez Denis, le voyant (Gérard Depardieu), qui déverse un verbiage dans lequel se noierait n'importe quel champion de natation, on a envie de lui crier qu'il serait nettement plus judicieux et constructif d'aller consulter une escouade de psys. Et quelle étrange idée d'installer au milieu de son discours un générique qui perturbe le peu d'attention restant chez le spectateur.
Juliette Binoche a bien du mérite de parvenir à habiter ce parcours maladif, mais elle ne peut maintenir constamment à flot cette barque sans gouvernail et à l'émotion préfabriquée, qui nous conduit vers une rive aussi nébuleuse qu'indétectable.