Relire Aladdin, le chef-d'oeuvre absolu de Muskers et Clements n'est pas aisé, car évidemment tout fut pensé et élaboré pour un format d'animation,tant dans le rythme, la caractérisation des personnages ou bien la mise en scène colorée et décoiffante.
Cette adaptation, à contrario de la Belle et la Bête par exemple (dont le but affiché était de retranscrire presque à la virgule près le film original), Aladdin 2019 prend d'emblée des détours, tout en conservant la trame globale : un jeune mendiant de la cité cosmopolite d'Agrabah, tombe amoureux de la princesse Jasmine, au même moment où le Vizir Jafar lui fait découvrir une Caverne aux Merveilles ainsi qu'une mystérieuse Lampe Magique.
Pas de surprises de ce côté là, mais le film aborde des aspects intéressants et vraiment bienvenus (du moins dans ces 2 tiers) qui font qu'on a l'impression de redécouvrir Aladdin sous un autre jour (ce n'est évidemment pas jusqu'au boutiste dans la démarche mais j'y reviendrai).
Disons-le maintenant : oui c'est le film le plus impersonnel de Guy Ritchie, habitué des films de gangsters (du moins à ses débuts) et qui même dans ses films les moins bons apportaient un montage rapide à intervalles réguliers.
Ici par contre on a un compromis entre respect du film original, mise en scène fonctionnelle (sans fausse note, mais qui parfois aurait mérité bien plus d'ampleur, notamment dans son dernier tiers) mais aussi à intervalles réguliers un Ritchie qui existe et qui apporte des fulgurances vraiment bienvenues.
En effet le film s'ouvre sur une superbe relecture d'Arabian Nights et un plan-séquence parfaitement exécuté, mettant en avant l'immense set représentant Agrabah, construit à 100% et designé par Gemma Jackson (Game of Thrones) avec grand soin.
Une Agrabah différente, sorte de confluent de toute l'Arabie et un Oasis coloré restranscrivant parfaitement les influences arabes, indiennes et turques du royaume des Mille et une Nuits.
S'ensuit ensuite "One Jump", séquence très énergique où Ritchie se fait plaisir, et moment où onrencontre enfin Mena Massoud en Aladdin.
Crevons l'abcès, le casting principal est excellent. Mena Massoud,acteur dont il s'agit du premier grand rôle au cinéma, s'en sort honorablement, à l'aise dans les séquences de chant, de danse, d'action ou d'humour, en plus de ressembler à son homologue animé (c'est suffisamment rare pour le souligner), apportant également une certaine naïveté touchante à mesure qu'il évoluera hors de son mode de vie initial, en plus d'une vraie jovialité.
Pour continuer avec les acteurs, citons LE gros point fort du film : Will Smith en Génie, affublé d'une tâche impossible, à savoir succéder à Robin Williams et son doublage légendaire pour un des plus grands personnages d'animation jamais créés. Conscient de ce fardeau, ce dernier réussit (et tout ça en live bien sûr) à se réapproprier le personnage tout en payant hommage à ce quia été fait parle passé (comme en témoigne le numéro de "Friend Like Me", meilleur morceau musical du film tant dans la réorchestration que dans sa mise en scène visuelle, les petits gars d'ILM rendant le tout ultra punchy et galvanisant).
En résulte un Génie charismatique au possible, apportant un groove, une cool attitude et un charisme monstrueux, qui passe même lors des quelques passages où la performance capture parait un peu moins fignolée (les CGI dans l'ensemble sont de très bonne facture, et on est absolument jamais face à quelque chose de désincarné).
Ruptures du 4e mur, allusions anachroniques, fulgurances de transformation, tout est là (en moins foisonnant bien sûr dû à la nature live-action) mais compensée par un humour qui marche toujours,un côté Hitch-Fresh Prince-Génie qui renouvelle la relation entre lui et Aladdin (la notion de "meilleur ami" ne sort pas de nulle part) et le film se permet également d'apporter une dimension intéressante à la nature d'asservissement du Génie et ses aspirations de libération.
L'autre tient de la révélation : Naomi Scott est tout simplement divine en Jasmine (à l'image de l'ensemble de ses costumes par Michael Wilkinson). Déjà plein de potentiel dans Lemonade South plus jeune (ou dans le remake de Power Rangers), elle brille vraiment ici, apportant une sensibilité mais surtout une force intérieure admirable au personnage (Jasmine étant celle qui subit le plus de changements par rapport au film original).
Princesse Disney recluse dans son palais de par son statut de femme,mais aussi aspirante à gouverner pour guider son peuple plutôt que de laisser son royaume crever de l'intérieur, Jasmine est un personnage inspirant, interprété avec détermination et passion en plus d'être impressionnante dans toutes les parties chantées (Naomi Scott a une voix puissante et une vraie présence que ce soit la nouvelle chanson Speechless ou A Whole New World, et terriblement à l'aise également dans une scène de danse du ventre inédite par exemple ). Une vraie alchimie complice se dessine ainsi qu'une romance charmante avec Aladdin, on y croit !
La source de débat sera bien sûr Jafar : Marwan Kenzari est évidemment plus jeune et ne possède pas l'aura diabolique qu'on est en droit d'attendre (à noter que Iago est ici un perroquet plus réaliste et relégué au second plan), même si des idées intéressantes sont amenées, comme le fait de montrer le Vizir comme un arnaqueur et ex-mendiant des rues, faisant un parallèle évident avec Aladdin ainsi qu'une proximité inédite en pointant du doigt la divergence de chemin que les 2 ont entrepris.
Le tout est cependant balayé dans son dernier tiers, qui souhaite coller avec ce qui a été fait dans le film original (ce qui est donc un peu dommage et souffre donc de la comparaison)
Le reste du casting est plus anecdotique (comme David Negahban en Sultan, plus en retrait et moins goofy, ainsi que Billy Magnussen en Prince Anders venu de contrées nordiques, qui offre une scène drôle mais relativement inexistant sinon) sans être mauvais ou en trop, bien que le personnage inédit de Dalia (la servante et confidente de Jasmine interprêtée par la délicieuse Nasim Pedrad offre des bons moments de légereté et d'humour, notamment en lien avec le Génie :
Le film se suit avec un vrai plaisir, forcément l'histoire de base est très bonne, et on oscille entre séquences inspirées ou réinventées (2 scènes de danse au palais par exemple, la revisite de One Jump Ahead, Friend Like Me, les scènes de poursuite, les gags avec le Génie...) , mais aussi avec des faux pas (la séquence du Prince Ali jouit d'une opulence salvatrice qui parvient en partie à combler le manque flagrant de mise en scène de la séquence, pareil pour le climax du film, techniquement sans fausse note mais qui souffre totalement de la comparaison ainsi que d'un manque d'ampleur qui aurait été bienvenu.
Alan Menken permet au moins de réhausser tout ça (ainsi que le casting) quand il y en a besoin, en effet l'octo-Oscarisé revisite vraiment la bande-originale et le remet au goût du jour via de nouveaux instruments, quelques nouveaux thèmes(un thème romantique ou un thème pour Jasmine par exemple) qui permet de renouer avec la magie quand la photographie un peu quelconque lors des scènes de jour ou la mise en scène plus anonyme n'y parvient pas.
A noter l'ajout de Pasek & Paul (paroliers de La La Land et The Greatest Showman) et leur contribution à la chanson "Speechless", morceau puissant d'émancipation pour Jasmine (un des moments forts du film
Le tout saupoudré par les CGI d'ILM qui animent Abu, Raja, le Tapis, Iago ou le Génie de manière très convaincante et incarnée.
En résumé une relecture live sympathique, qui offre de vraies fulgurances,un trio principal très bon, mais qui ne parvient jamais réellement à se hisser au même niveau que l'oeuvre originale (ce qui en soit relève de l'impossible vous me direz) mais qui se révèle suffisamment charmant dans son ensemble grâce à sa musique, ses quelques nouvelles idées, son Génie tout simplement génial, sa romance intemporelle revisitée et ses thématiques bien retranscrites alliée à une histoire toujours aussi touchante et évocatrice :)