Andy est condamné. Dans les 48 heures qui suivront sa morsure, il ne sera plus qu'une carcasse sans âme déambulant parmi tous les autres infectés d'une épidémie qui a transformé l'Australie en terre peuplée de morts-vivants. Mais il doit encore tenir ces quelques heures, résister et lutter contre l'apparition des premiers symptômes pour elle, pour Rosie, sa fille encore bébé, afin de lui trouver un refuge...
Adapté de leur propre court-métrage de 2013, "Cargo" de Ben Howling et
Yolanda Ramke fait partie de ces rares films de zombies qui, sans prétendre révolutionner le genre, réussissent à fondre ses incontournables ressorts dans un nouveau contexte pour y apporter un regard neuf.
Ici, la contamination de l'Australie semble être un mal nécessaire et inévitable, comme si ce fléau était l'apothéose des souffrances endurées par son peuple natal et qu'il nettoyait leurs terres de la présence occidentale telle une punition divine. Les aborigènes, leur civilisation et leurs croyances, semblent en effet renaître face à l'épidémie, devenant une sorte de recours ultime que la modernisation de la société avait trop longtemps cherché à museler, conduisant par là même à sa propre perte par son ignorance. Mais ce que "Cargo" s'évertue à nous démontrer c'est que, même dans la désolation la plus totale, un pont est toujours possible entre ces deux mondes si l'ouverture et la compréhension sont ses fondations. Il s'incarne évidemment ici dans la rencontre entre Andy et une fillette aborigène, Thoomi.
D'un coté, Andy se refuse à baisser les bras face à son sort funeste inévitable pour protéger sa fille, de l'autre, Thoomi n'accepte pas d'abandonner son père, un aborigène ayant épousé les moeurs de la société moderne et contaminé par l'infection, afin de rejoindre sa mère qui, elle, a embrassé pleinement les origines de son peuple. La rencontre entre ces deux êtres que la superficialité des apparences oppose mais dont la plus profonde nature est bâtie sur les mêmes intentions passera d'abord par un affrontement contre un être monstrueux, paroxysme du mal australien, qui prefère ne voir aucune once d'humanité chez ces natifs en les considérant comme de simples animaux juste bons à être enfermés en cage et qui continue à piller le reste des ressources du pays pour s'assurer une position dominante pour un potentiel "après".
L'alliance d'abord forcée entre Andy et Thoomi face à cet adversaire cristallisant tous les maux australiens sera la véritable boussole vers un futur meilleur de "Cargo", film crépusculaire traversé d'une désespérance presque constante induite par les conditions insurmontables de son héros et d'un pays au passé ayant volontairement omis ses origines. Ce pessimisme ambiant semblant se confondre avec les sublimes paysages du bush australien habitera encore pendant un moment ces deux personnages, il faudra qu'Andy soit confronté à sa nemesis de figure paternelle lors d'une séquence glaçante et que Thoomi retrouve toute la force de l'amour d'un père pour sa fille dans les yeux d'Andy posés sur la petite et touchante Rosie (aaah, son "dad...daddy" irrésistible, elle prétend clairement au titre de bébé le plus mignon du monde !) pour que leur relation prenne véritablement corps et dégage un déferlement d'émotions par l'ouverture de ces deux êtres l'un à l'autre qui ne quittera désormais plus le film, allant même de façon croissante jusqu'à exploser dans une conclusion magnifique où les larmes se partagent à l'intensité dramatique du sort inéluctable d'Andy.
Vu sa qualité, "Cargo" méritait sans mieux qu'une simple sortie sur Netflix. Un film de zombies (à noter que le mot n'est pas prononcé une seule fois mais il s'agit bel et bien de zombies et non d'infectés qui courent dans tous les sens) avec une telle intelligence construisant une critique sociétale basée sur l'histoire chaotique de tout un pays, où l'émotion sait apparaître avec parcimonie pour tout emporter sur son passage, où une certaine générosité en péripéties et un dépaysement total parviennent habilement à contrecarrer le sentiment de se retrouver en terrain archi-connu propre à ce type de film, et, enfin, porté par deux interprètes simplement formidables (Martin Freeman, un choix judicieux pour un tel personnage se révélant dans l'adversité, est parfait et la petite Simone Landers transpire le naturel), aurait au moins dû connaître les honneurs du grand écran pour rendre pleinement justice à sa qualité. Surtout lorsqu'il s'agit, et on peut le dire sans trop s'avancer, probablement du meilleur film de ce genre que l'on verra cette année. À découvrir absolument.