Avec Les Hommes du feu, Pierre Jolivet se propose de regarder un corps de métier travailler, et le filme avec le souci constant de restituer l’urgence qui définit son quotidien. S’il ne recule pas devant les bons sentiments lors d’une clausule heureusement perturbée par la sirène d’un nouvel appel, il réussit à se tenir tout à la fois à proximité des pompiers, puisque nous vibrons à l’unisson de leurs missions périlleuses, et suffisamment éloigné pour réfléchir sur ces fonctionnaires livrés à eux-mêmes, forcés de rendre des comptes à une hiérarchie et de venir en aide à celles et ceux qui ne les considèrent pas, au point de les insulter ou de les violenter parfois.
Aussi le réalisateur interroge-t-il la vocation par séquences de dialogues interposées mais également, et peut-être surtout, par les séquences de tension au cours desquelles l’humain s’exhibe dans une fragilité qu’il faut cacher, à l’image des brûlures sur le dos de Philippe ou sur le visage du commandant. Les protagonistes du long métrage semblent toujours en danger, qu’ils soient en exercice ou chez eux, auprès de famille qui ne les comprenne pas ou leur reproche leur absence. Tous sont divorcés ou destinés à le devenir, en témoigne le rapprochement laissé hypothétique entre Bénédicte et Philippe.
Les Hommes du feu applique donc en principe esthétique la loi énoncée plusieurs fois, selon laquelle la beauté du feu n’est qu’extérieure, perçue depuis un lointain qui divulgue le chaos : derrière la coordination parfaite de corps entraînés et déterminés, aussi clinquants que les combinaisons ou que le camion minutieusement nettoyé, se cache une laideur terrifiante, celle des fantômes que l’on porte avec soi, celle d’une humanité meurtrie et désespérée qu’il s’agit de raccorder, in extremis ou trop tard, au miracle de la vie à donner – scène de l’accouchement – et à préserver.