Titre problème, emblématique de la masculinisation forcée de la langue française puisque le film de Pierre Jolivet parle beaucoup d'une femme pompier, très justement incarnée par une Emilie Dequenne comme toujours impeccable de sobriété. "Les Hommes du Feu" a une qualité immense à mes yeux de passionné de Hawks et de Godard, c'est de parler avant tout du travail. De gens au travail. Sans (trop) idéaliser la noble tâche du pompier, mais sans la rendre triviale non plus : au fond, il s'agit de faire son boulot, et aussi bien que possible. Quelque fois ça sauve des vies, d'autre fois non. Et il faut bien continuer à vivre quand même, avec ses problèmes de couple, d'enfants, de famille. "Les Hommes du Feu" parle beaucoup de l'importance du travail, et c'est un message utile à une époque où tout dévalorise l'effort, le ridiculise même, quand il ne s'agit pas d'en annoncer la fin. Bien sûr, il y a un côté nomenclature exhaustive dans l'enchaînement des péripéties qui parcourent le spectre attendu des épreuves de la vie de pompier : accidents de la route, incendies de forêt avec pyromane à la clé, drames conjugaux, suicides, interventions dans les cités hostiles, accouchements impromptus. Ok, et alors ? Jolivet évite néanmoins élégamment le typage sociologique, ainsi que les conclusions trop évidentes. Le machisme de la profession n'est pas aussi destructeur et stupide que l'on pouvait le craindre, et les héros n'en sont pas, même s'ils sont fatigués : on regrettera tout de même la décision de Jolivet de régler tous les problèmes, de désamorcer tous les conflits, avant de conclure son film... Ce n'est certes pas un film de Depardon, qui ferait sans doute un documentaire saisissant à partir du même matériau. Mais ce n'est pas non plus une grosse meringue hollywoodienne (hello, "Backdraft"...). C'est exactement le genre de petits films, certes pas parfaits, qui constitue l'honneur d'un certain cinéma mainstream français. Et c'est bien !