L’univers de David Lynch est un cadeau fait au cinéma et plus encore aux cinéphiles. A ce jour, je ne connais aucun réalisateur – vivant – capable de transcender et de captiver le spectateur comme il a l’habitude de le faire. Et ce « Blue Velvet », qui marque la première collaboration de Lynch et de l’incroyable Kyle MacLachlan, n’échappe pas à la règle. Souvent considéré comme étant le Lynch le plus accessible, « Blue Velvet » s’inscrit dans la digne lignée des autres œuvres du réalisateur. En effet, si l’histoire semble s’offrir de manière plus fluide au spectateur, il n’en demeure pas moins, comme toujours chez ce cher David, complexe, symbolique et énigmatique. Face à une œuvre telle que « Blue Velvet », on peut, évidemment, se contenter d’une lecture que je qualifierais - sans dédain - de terre-à-terre, mais, personnellement, je considère que c’est lorsque la trame narrative de Dorothy Vallens (I. Rossellini, magnétique) et Frank Booth (D. Hopper, plus pervers que jamais) fait écho avec celle de Jeffrey Beaumont (K. MacLachlan, déjà comme un poisson dans l’eau dans l’univers de Lynch), quand le velours bleu vient couvrir le tabou familial que le film atteint son intensité maximale et qu’il déploie toute sa force évocatrice. Formellement le film est également une merveille indiscutable : le jeu des couleurs est irréprochable, le travail de l’image épouse le contenu du récit et le velours recouvre chaque plan. De même toutes les prises de vue de l’appartement de Dorothy depuis l’armoire d’où Jeffrey l’observe sont d’une précision incroyable, les aller-retours caméra soulignent parfaitement ce jeu du chat et de la souris, du voyeur qui se retrouve observé à son tour et la musique, toujours en lien étroit avec le rêve chez Lynch, habite le film et fait raisonner pour longtemps, dans nos esprits captivés, ce « Blue Velvet » de Bobby Vinton. Le casting, typiquement Lynchien, s’avère lui aussi sans fausse note et si K. MacLachlan est une nouvelle fois parfait, le prix de la meilleure performance du film revient sans conteste à Dennis Hopper qui signe-là l’interprétation la plus angoissante et la plus troublante de sa carrière. Pour résumer, avec « Blue Velvet », David Lynch confirme qu’il est un des rarissimes cinéastes qui enrichissent à chaque œuvre le 7e Art. Une masterpiece en somme !