La tortue rouge ne m'intriguait au départ pas plus que cela, mais entendre le réalisateur parler sur France Culture m'a vraiment convaincu de le voir et je me suis donc précipité en salle, comme pour The Neon Demon, alors que j'avais 9h de route à faire ensuite... Priorité aux priorités. Mais, contrairement au Refn, ici j'ai adoré, ça valait vraiment le coup !
Il est difficile aujourd'hui de considérer un seul instant un film aussi pompeux et lourd comme Zootopie ou même Dory, qui sont si manichéens, si peu subtils alors qu'à côté on a cette coproduction Ghibli qui livre un film d'une simplicité universelle. Ici on ne s'amuse pas à te dire ce qui se passe, tu le comprends et parce qu'on ne te prend pas par la main, et bien tu peux ressentir sans qu'on te dise : ça c'est triste, chiale, là il se passe ça, car blablabla.
On commence in media res, le type perdu au milieu de l'océan, ce qui s'est passé on ne le saura jamais, on le devine, on le voit échouer sur l'île, commencer à survivre, à vouloir partir. Il ne parle pas, il n'a pas besoin de parler, on voit ce qu'il ressent, on comprend, c'est universel, on est un naufragé on veut retourner à la civilisation, c'est évident. L'absence de dialogues permet donc une épuration totale. Ce qui n'empêche pas le film d'avoir un ou deux moments d'angoisse, je pense à la scène où le héros tombe dans une sorte de cavité et où il ne semble pas pouvoir sortir, parce que le film a beau être court, le réalisateur prend le temps de nous montrer cette scène en longueur, on voit qu'il est fragile et courageux en même temps.
Et puis survient l'événement fantastique du film avec cette tortue rouge. J'ai adoré la scène où le héros la frappe, où il désire la tuer. On sent la colère, on comprend pourquoi cette colère et en même temps on ne peut pas s'empêcher de se dire : pauvre tortue.
Le film enchaîne ensuite les scènes de vie, toutes simples, mais vraiment belles, notamment celle où le héros met à l'eau son radeau et le laisse partir, acceptant ainsi son sort et décide de mener sa vie sur l'île. C'est vraiment beau et touchant. Et finalement la vie sur l'île ne semble pas si mal. Bien que les nuages sombres annoncent un changement de ton, une catastrophe, jamais le héros ne viendra se plaindre, il a accepté son sort et parce qu'il a accepté son sort, tragique mais magnifique, il en devient un héros absolument universel.
Je dois dire que j'ai été ému aux larmes à plusieurs reprises. Parce que sa vie sur l'île, n'est pas différente de nos vies à nous. Et il est là le tour de force, parler de l'universel à partir d'un cas si particulier.
Il faut parler également de la bande son qui rend ça possible, car si visuellement j'ai trouvé ça vraiment très beau, avec une simplicité et une richesse en même temps (difficile à décrire), parce que le réalisateur sait quand il faut mettre du silence et quand on peut oser la musique.
Le film est très bien dosé, notamment avec l'apparition du fantastique, que le spectateur ne peut pas refuser étant donné que de toute façon il n'a pas le choix on ne lui donne pas l'opportunité de ne pas y croire puisque encore une fois, rien n'est expliqué. Mais l'acceptation est aussi permise parce qu'on a des séquences oniriques, des rêves, qui permettent d'entrer petit à petit dans ce qui sera le reste du film, autrement dit, pas un film de survie.
C'est un film miroir, je pense qu'il a le génie pour qu'on y voit ce que l'on est soi pour que l'on puisse l’interpréter comme on le veut, selon son vécu (ce qui est le cas de chaque film, mais plus particulièrement ici étant donné l'absence totale d'explication).
Et la fin est déchirante.