On sait depuis Des hommes et des Dieux que Xavier Beauvois est un réalisateur exceptionnel. Avec Les Gardiennes, il signe un long film contemplatif qui magnifie la terre et le courage des femmes.
La grande guerre. Un hameau composé de deux fermes, celle où Hortense vit avec son vieux père et ses deux fils; celle où sa fille, Solange (Laura Smet) vit avec son époux Clovis (le toujours excellent Olivier Rabourdin) et Marguerite née d'une première union.
Nathalie Baye est magnifique, sous son chignon gris, dans ce rôle de femme d'acier, dure pour elle même, dure pour les autres. Les trois hommes sont partis, il faut des bras en plus, ce seront ceux de Francine, fille de l'Assistance -mais qui a son certificat d'études!- (Iris Bry, une merveilleuse débutante), courageuse et travailleuse comme un homme. Ce n'est pas parce qu'Hortense l'estime qu'elle laisserait son fils Georges (Cyril Descours) s'enticher d'elle: elle a d'autres projets pour lui, qui renforceront la cohésion et la puissance de la famille.
C'est la succession des saisons pendant ces cinq longues années. Les moissons, la mise en gerbes, avec des images à la Millet; les hivers rudes où il faut fendre le bois.Ces terres vallonnées sont magnifiquement filmées, des tableaux: Millet, Corot.... Et nous admirons le soin méticuleux qu'a pris le réalisateur pour nous montrer les vrais travaux des champs, le labourage avec un attelage de boeufs, les semailles, utilisant des charrettes et des outils d'époque -ou très bien reconstitués. Nous découvrirons même dans une autre ferme la fabrication du charbon de bois... Témoignage d'un temps sans pitié...
Il y a les permissions trop rares où, bien loin de se reposer, l'homme fait sa part aux champs. Et pourtant, il n'est plus lui même, hanté par la barbarie qu'il vient de vivre et où il va replonger. Il y a Solange qui supporte mal d'être une femme sans hommes. Surtout avec ces sémillants jeunes soldats américains qui, en attente de leur affectation, vibrionnent autour de la ferme.
Il y a ces terribles jours où le maire du village, tout noir dans son beau costume des dimanches, vient annoncer la terrible nouvelle, mais qui? Constant l'instituteur (Nicolas Giraud) qui a été promu lieutenant ou Georges le paysan? Moments bouleversants
Le temps prend son temps. le temps du film se déroule, immuable et majestueux. Comme il a du paraître long, ce temps, à ceux qui le vivaient.
Non seulement les femmes ont préservé l'exploitation, l'ont portée à bout de bras pendant quatre longues années, mais elles 'ont modernisée: ce sont elles qui ont acheté une moissonneuse -puis un tracteur!
Film exceptionnel qu'il faut voir absolument.