De par un rythme lent, le peu de dialogue et un thème âpre, « Les Gardiennes » risque d’en rebuter plus d’un… Ce qui est fort dommage car ce film est emplit de fort belles qualités malgré un dépouillement qui peut sembler apparent.
Pour adapter le roman d'Ernest Pérocho, Xavier Beauvois a mis les bouchés doubles pour livrer une reconstitution d’époque plus vraie que nature. Que ce soit les costumes militaires, les tenues des villageois ou les appareils agricoles comme une laboureuse en fonte ou encore un tracteur d’époque qui semble neuf, nous sommes plongés dans les années 10 sans jamais en douter.
La photographie de Caroline Champetier est sublime, entre des portraits touchants en gros plans, des cadrages travaillés digne des tableaux de la vie paysanne de François Millet, des jeux de lumières façon clair-obscur de Georges de La Tour, il y a de quoi régaler les yeux.
Certaines scènes sont tout bonnement magnifiques comme lorsque nous voyons deux paires de mains en gros plan, qui se cherchent par un jeu de mouvements fluides, en caressant la mousse d’un rocher. Sensualité, découverte, désir, timidité, on comprend tout sans aucun mot, sans voir les visages…
D’ailleurs tout le film est construit de telle sorte qu’il y ait une économie de mots comme pour mieux laisser les scènes se dérouler de façon silencieuses afin que l’émotion passe par les attitudes, les yeux, les mains plutôt que par le dialogue. Il faut dire (justement) que le travail des champs et la répétitivité exténuante laissent peu de place aux paroles. Les nombreuses scènes de labeurs montrent les différentes tâches liées à l’exploitation de la ferme. Ces besognes sont effectuées par les femmes alors que les hommes valides sont au front de Verdun.
Le saisons défilent et les paysanne doivent prendre des décisions en toute autonomie et investir dans les nouvelles technologies, au risque du qu’en-dira-t-on si présent dans les campagnes. IL ne faut pas perdre de vue qu’avant la guerre, les hommes seuls prenaient les décisions !
Sur ce point, le personnage de Nathalie Baye fait des choix difficiles, que ce soit pour l’exploitation de la ferme ou pour sauver les apparences. Le duo avec sa fille (aussi bien dans le film que dans la vraie vie) fonctionne à merveille. Laura Smet et sa félinité débordante met en exergue les difficultés liées à l’absence de l’homme.
Enfin, Francine personnage central du film, incarnée par Iris Bry (qui n’a jamais été actrice), fait un quasi sans faute. Touchante, simple en apparence et plus complexe que l’on croit, elle incarne la droiture de l’époque avec un naturel désarmant !
Son sourire à la fin du film est d’autant plus spontané qu’il a été capturé lors de la fin du tournage du film, clap de fin, mais la caméra tourne toujours pour capter cette expression naturelle.
Voici un film austère, épuré et pourtant dense : la vie rurale de l’époque est montrée comme rarement auparavant. Un film intelligent, réaliste, esthétique et fort, orné de portraits de femmes du passés et pourtant si actuels…