Derrière ses airs de renouveau, Transformers : Le Commencement se présente avant tout comme un long prologue, oscillant entre le drame et la comédie. Il se destine à séduire les fans de la première heure, mais aussi les nouveaux venus, restant ainsi fidèle à l'esprit commercial de la franchise. Toutefois, au-delà de sa qualité visuelle, le film s’enrichit d’un sous-texte politique, d’une critique sociale et d’une volonté affirmée d’explorer enfin la mythologie Transformers en développant l’élément central de la saga : le conflit Autobots-Decepticons.
L'univers ainsi présenté se divise entre les privilégiés, capables de se transformer, et les ouvriers, dépourvus de cette capacité, posant ainsi les bases d’enjeux politiques et sociaux intéressants. Il aborde également des problématiques comme la destruction de la nature, la récolte de l’Energon — monopolisée par ces mêmes ouvriers —, ou encore la soumission du peuple par le divertissement et l’espoir d’une vie meilleure, mais dans les limites imposées par les puissants.
Ces éléments convergent pour révéler une réalité d’oppression systémique, qui mènera inévitablement à la guerre civile. Et même s’il s’adresse en partie à un jeune public, le film ne simplifie pas ces thématiques en les réduisant à un simple affrontement manichéen contre un "grand méchant". Bien que le principal antagoniste soit désigné comme le responsable, le scénario nuance cette vision en montrant que le système en place dépasse un individu et bénéficie à plusieurs couches de privilégiés.
C'est dans ce contexte que vont évoluer D-16 et Orion Pax, futurs Megatron et Optimus Prime. Tous deux ouvriers et amis, ils se distinguent par leurs ambitions et leurs visions du monde. Orion Pax, impulsif et insoumis, questionne en permanence les structures qui l’entourent, cherchant à dépasser sa condition. D-16, au contraire, incarne un conformisme pragmatique, persuadé que l’ascension sociale peut se faire en suivant les règles établies.
Cette dynamique fraternelle, destinée à l’autodestruction, est le moteur émotionnel du film. En effet, lorsque Orion Pax et D-16 seront amenés à s’émanciper de leur simple condition dictée par leur hiérarchie conservatrice, jusqu’à remettre en question tout le système en s’aventurant à la surface, cela marquera le début d'une rivalité, mettant en lumière leurs natures profondes : Megatron, l'esprit fermé avide de pouvoir, et Optimus, l'idéaliste aspirant à la justice et à la liberté. Leur transformation progressive est l’un des aspects les plus réussis du film, bien que le revirement de D-16 puisse paraître un peu abrupt. Sa trahison envers Orion Pax est, cependant, bien amenée : c’est, après tout, à cause d’Orion que ses illusions ont été brisées.
Au final, même si cette trame narrative, centrée sur des frères déchirés, ainsi que ses thèmes autour du questionnement de soi et de la société, donne au film une structure assez classique, elle reste suffisamment efficace pour en faire un film sincère et plutôt rafraîchissant dans une licence qui a débuté sa carrière cinéma par des films qui manquaient cruellement de substance narrative.
Cependant, malgré ces qualités, le film présente quelques faiblesses, en grande partie dues à sa nature de film familial. Les personnages secondaires, comme Bumblebee et Elita One, paraissent assez superflus. Leur présence semble avoir été ajoutée pour donner au film un aspect "Power Rangers". Bumblebee est relégué au rôle de comic relief, enchaînant les blagues destinées aux enfants, tandis qu’Elita One n’incarne qu’un archétype de "femme forte", sans réelle profondeur.
L’humour, omniprésent, tend souvent à affaiblir l’impact des scènes dramatiques. Bien que la volonté d’équilibrer les tons soit évidente, le film oscille constamment entre l’ambition de raconter une bonne histoire et la nécessité de s’aligner sur des choix commerciaux rentables.
L’action, bien que spectaculaire, prend parfois trop de place au détriment de la narration et de la contemplation. De plus, le scénario tombe souvent dans des raccourcis ou des facilités scénaristiques, particulièrement durant les séquences d’action. Certaines scènes, comme la course, manquent de cohérence et peuvent faire décrocher les spectateurs.
Ces défauts, bien qu'ennuyeux en tant qu’adulte, passeront inaperçus auprès des plus jeunes. Toutefois, comme dans beaucoup de productions "tout public", avec des risques narratifs plus assumés ainsi qu’un ton plus sérieux et moins formaté, le film aurait pu atteindre un niveau supérieur. En excluant également l’aspect extrêmement prévisible de l’intrigue, inhérent à sa nature de préquel.
L’un des points forts du film reste son esthétique, directement inspirée du style de Transformers G1. Soigné et coloré, il nous fait oublier les tas de ferraille ternes et crasseux des précédents films live-action. Qui plus est, la décision de situer l’intrigue exclusivement sur Cybertron permet de libérer la créativité des concepteurs et d’éviter l’éternelle inclusion de personnages humains inutiles.
Cependant, certains éléments du lore de Transformers sont sous-exploités. Si des aspects comme le fait que Megatron ait pris la tête de la "révolution" des Decepticons avant Starscream, en compagnie d’autres figures emblématiques, sont bien développés et intégrés de manière astucieuse, d’autres restent inexploités, comme l’origine du nom "Autobots", ou sont simplement réduits à de petits clins d’œil, voire des blagues, manquant l’opportunité d’enrichir un peu plus l’univers.
Enfin, l’humanisation excessive des robots (par exemple, le fait qu’ils respirent, qu'ils pleurent, qu'ils aient une langue et des dents) dilue un peu l’identité de l’univers cybertronien. On aurait apprécié une ligne plus définie et un traitement plus cohérent de ce monde robotique.
En définitive, Transformers : Le Commencement réussit à proposer une aventure visuellement spectaculaire et à enrichir l’univers de la franchise en explorant ses thématiques sociales et politiques. Cependant, ses concessions au format familial, avec un humour parfois envahissant et des raccourcis scénaristiques, empêchent le film de pleinement exploiter son potentiel. Malgré ses imperfections, il constitue une tentative louable de renouer avec l’essence même de la saga et de poser les bases d’un futur plus ambitieux pour la licence. Un film qui plaira sans doute aux amateurs de divertissements accessibles, tout en offrant aux fans de longue date des moments qui rappellent pourquoi cet univers continue de captiver.