‘Ferrari’ fut un projet de longue date pour Michael Mann, qu’il tenait en réserve depuis près de trente ans. Une obsession suffisante pour avoir tenté de brûler la politesse à ses contraires dans le but de réaliser ‘Le Mans’66’ (qui ne se déroule pas à la même époque mais où il y a aussi des Ferraris) et pour se plier à un montage de partenaires un peu abracadabrant qu’on n’attendait pas d’un cinéaste de cette envergure (mais son dernier film, ‘Hacker’, remonte à plus de 8 ans, et c’était un gros flop). C’est peut-être pour cette raison que ‘Ferrari’, plutôt académique, ne ressemble pas vraiment à un film de Michael Mann. Les séquences de course, quand elles existent, ne constituent pas le coeur du projet (même si l’accident de Guidizzolo, durant l’édition 1957 des Mille miglia, vous coupera à coup sûr le sifflet, malgré un rendu numérique incertain) qui se concentre sur la figure de Enzo Ferrari, joué par un Adam Driver méconnaissable, durant les trois mois où l’entreprise familiale manqua de peu de disparaître. Incapable de faire gagner la moindre course à ses voitures, en banqueroute, soumis à la vindicte de son épouse qui vient de découvrir sa double-vie et aux demandes pressantes de sa maîtresse qui souhaite voir son fils légitimé, Ferrari est un homme sous pression, prêt à jouer ses dernières cartes, mais qu’on a du mal à considérer avec sympathie : entrepreneur froid et austère, exigeant au point de sembler inaccessible à l’empathie envers qui que ce soit, il est aussi un homme qui vit entouré de fantômes, au point de s’être éloigné du genre humain : celui de son fils et héritier, mort l’année précédente, de son frère ainé qui lui était préféré, de ses deux meilleurs amis tués en pleine compétition dans les années 30 et des pilotes réputés qu’il continue à sacrifier dans sa quête pour la victoire. La plupart du temps, on cherchera en vain l’apport de Mann derrière la caméra dans ce biopic qui respecte les conventions (modernes) du genre mais se permet occasionnellement de gratter un peu sous la surface sans se sentir tenu à la sur-explication à l’usage des spectateurs moins futés: il décevra donc les fans des films automobiles et ceux qui espéraient une sorte de “Pronto y furiosa”, les connaisseurs de la filmographie de Michael Mann et ceux pour qui l’anglais de Modène ruine toute possibilité pour le film d’être pris au sérieux…mais après tout, c’est comme le ‘Napoléon’ de Ridley Scott : les principaux intéressés n’avaient qu’à s’y atteler eux-mêmes…!