"L'homme irrationnel" a tout d'un Woody Allen, ambiance unique et très personnelle, dialogues aux petits oignons, personnages fouillés au possible, avec en plus cette fois une intrigue originale dont l'enjeu est excellent qui rend cet opus extrêmement enlevé, léger et pétillant !
Franchement, même si je n'ai pas toujours apprécié la filmographie de WA, je ne peux qu'avouer que le fond est dans tous les cas particulièrement savoureux et intelligent, nous donnant des pistes de réflexion et d'ouverture pas si courantes au cinéma !
Alors avec Abe, ce prof de philo mal en point et son discours existentiel à plusieurs facettes, on est déjà gâté mais quand le "fameux élément déclencheur" en fait un être complètement métamorphosé, croquant tout à coup la vie à pleine dent, on se régale encore bien davantage !!!
Sans dévoiler les petites ficelles et l'enjeu du scénario, on est séduit par l'opposition et la contradiction des concepts du prof, la façon dont il s'en dédouane très vite auprès de Jill, cette étudiante amoureuse, comme tout cet antagonisme entre ses théories et ses instincts, le bien et le mal, l'immoralité et la morale, le légitime et l'illégitimité, la réflexion et l'action...
La décision qu'Abe prend aussi folle soit-elle de commette l'impensable, devient à son niveau une remise en cause pour générer un simple appétit de vivre, pour renaître et exister aux yeux des autres, en realisant un acte qui redonnera un sens à la vie !
Joaquin Phoenix est pour cette tâche, tout à fait dans la peau de son personnage en le rendant même captivant en tant que sujet d'étude, alors que Emma Stone à côté est épatante de sincérité, de vivacité en lui donnant le change avec un grand talent et rendant justement ce couple unique, brillant, drôle et juste.
Tout l'intérêt repose aussi sur l'évolution de l'intrigue et ce qu'elle induit sur l'évolution contradictoire du couple...
Woody est sacrément doué à ce niveau !
On reste accroché et intrigué face à ce que chacun nous réserve dans la suite de ses idées, très bien transcrites par ailleurs par des voix off pertinentes, telles des petites consciences égrenant leurs conseils, à la fois adressés comme petits messages aux spectateurs !
Le cheminement et l'introspection sont ainsi pour le spectateur un vrai plaisir, en étant plongé dans le plus vif du ressenti personnel de chacun des deux...
Les rebondissements sont aussi plein de trouvailles avec des situations périlleuses, incroyables et même loufoques dont l'enchaînement est digne d'un puzzle ou d'un rébus, mais ici en plus doublé d'une psychologie très soignée.
La fin nous fait monter d'un cran dans l'horreur en ne faisant que confirmer les craintes de notre étudiante face à l'engrenage !
Impressionnant, maîtrisé et savamment construit, ce dernier cru bouillonne d'idées et de réflexions philosophiques certes, toutes vite balayées par des considérations beaucoup plus terre à terre, bien instructives sur le comportement de l'homme et son fonctionnement face à sa propre ligne de conduite en réalité pleine de faux semblants !
Tout le tiraillement entre la raison et l'intellect face à la pulsion, est ici une excellente leçon que le réalisateur traite avec son savoir-faire si particulier pour nous enchanter simplement...
Un peu dans la veine de "Match Point" ou du "Rêve de Cassandre", la gravité de la vie nous est montrée avec légèreté, espièglerie, en somme toute la patte de Woody Allen dont il a le secret !