Autant à la base je trouvais le pitch génial, cette idée que le célibataire endurci soit une espèce de paria qu'on irait chasser pour le métamorphoser en animal et l'évacuer de la société des êtres humains (et que même à ce moment-là, on aille encore lui demander de bien choisir son animal histoire de se rendre utile) - et du coup je m'attendais à quelque chose d'un peu absurde, de grinçant, mais intelligent, frais, drôle... autant à l'arrivée je trouve le film assez déprimant et relativement faible.
Je ne lui reproche pas d'être autre chose que ce que j'attendais. Qu'il veuille donner dans la comédie dramatique intimiste sur fond de symbolique dystopique plutôt que dans la satire délicieusement loufoque qu'annonçait la bande-annonce, pas de souci : ç'aurait pu être très bien comme ça. Sauf que non. Au bout d'une demi-heure, le film a déjà épuisé à peu près tout ce qu'il avait à dire, du coup ça se répète, ça s'enlise pendant l'heure et demi restante, et moi devant... bah, je m'ennuie à mourir.
Ce n'est pas que le film soit mauvais, hein.
Il s'y dit plein de choses sur l'intrusion de la société dans la vie intime, sur l'égoïsme et le mensonge dans le couple, sur la façon dont le conformisme écrase et rend honteuse l'individualité (au risque de créer des monstres) et sur la façon en même temps dont certains militants de l'anticonformisme en viennent à vouloir à leur tour conformer autrui. Bref, ça a un propos à tenir, ça n'est pas bête, il y a même quelques traits d'esprit un peu mordants et assez bien sentis (les couples en dispute auxquels on « attribue un enfant » pour qu'ils se ressoudent). Et en plus ça s'offre toute une tripotée d'excellents comédiens : Colin Farrell et Rachel Weisz, parfaits comme chaque fois qu'ils ont quelque chose d'intéressant à jouer ; John C. Reilly et Ben Whishaw, un peu décalés et touchants ; l'actrice de la femme sans cœur, flippante à souhait ; même Léa Seydoux que je suis habituellement le premier à honnir, sans que ce soit ni pour son nom, ni pour sa tête - je vois pas ce qu'on lui reproche à sa tête, d'ailleurs, elle est jolie cette fille... et puis même si elle l'était pas après tout, pour ce que j'en aurais à cirer... - non, juste qu'en général je la trouve mauvaise, sauf que là même elle me fait le plaisir de me donner tort : parce qu'il se confirme qu'elle choisit quand même relativement bien ses rôles et qu'elle joue mieux en mieux.
Mais bon, quoi qu'il en soit ça reste mou et surtout très, très maussade.
Puis en plus de tourner assez rapidement à vide, ça n'a juste rien de très subtil ni de très poétique à proposer à la mise en scène pour rattraper le coup. La photographie est blafarde : pas un rayon de soleil, au propre comme au figuré. Vraiment de quoi se pendre. Une séquence au ralenti un peu grossière et très poseuse qui jaillit d'un coup, comme ça, de nulle part - c'en est presque involontairement comique alors que ça se voudrait beau. La musique au quatuor à cordes qui à plusieurs reprises grince et s'emporte beaucoup alors que strictement rien ne se passe à l'écran.
Non content d'avoir trouvé ça un peu interminable dans la dernière heure, enfin, je dois avouer que certaines scènes m'ont simplement paru lourdes, vulgaires, parfois limite sordides.
Je n'irais pas dire pour autant que je regrette de l'avoir vu : ça reste une proposition de cinéma singulière. Mais c'est quand même pataud, et globalement bien décevant. Je ne comprends pas que ça ait pu décrocher le Prix du jury à Cannes quand à côté il y avait un chef-d'œuvre de la trempe de The Assassin qui, même si j'ai aimé Dheepan, aurait mérité la Palme cent brassées devant tout le reste du palmarès.