Vincent Macaigne commençait à me sortir par les yeux. A force de le voir, lui, le César 2014 de la révélation, passer de film en film avec sa bouille d’huluberlu, et jouer toujours le même genre de mec timide et irrésolu, je m’étais résignée à lui attribuer (à l’unanimité de moi-même) le César de la saturation. Pas un court-métrage, pas un premier long (et j’exagère à peine) qui n’essaye de capitaliser sur sa dégaine improbable, son naturel stupéfiant, et son phrasé très doux. Le problème c’est que que ce mec dévore tout, peu de comédiens arrivent à faire le poids en face. Mieux même, son style de jeu contamine ses partenaires, tous se mettent en roue libre - certains évidemment moins doués que lui pour l’exercice – mais les réalisateurs ont l’air de trouver ça super. Et la presse aussi. Moi, on l’a compris, beaucoup moins à force. Parmi les films récents, je trouve qu’il n’y a guère que "Tonnerre" de Guillaume Brac (déjà auteur du formidable "Un monde sans femmes") pour faire quelque chose du talent singulier de Macaigne et ne pas se contenter de l’aubaine de sa présence à bord. C’est dire combien j’étais hésitante en partant voir "Tristesse Club". D’autant que le réalisateur, Vincent Mariette, avait déjà tourné avec le comédien ("Les Lézards", court-métrage multiprimé, un de ces films qui avaient justement participé à mon exaspération). Mais la chouette bande-annonce de "Tristesse Club" laissait entrevoir quelque chose, j’y suis allée pour ça. Et le truc s’est vérifié, un vrai miracle si on y réfléchit : Vincent Macaigne n’est plus seul, il a enfin trouvé un partenaire à sa hauteur ! C’est vrai que le film est un buddy-movie, fallait pas que Mariette se vautre pour son tandem d’acteurs.. mais là les deux sont époustouflants : Macaigne qui fait son Macaigne comme jamais, et Laurent Lafitte, autre stakhanoviste des plateaux, qui semble encore élargir sa palette et invente un personnage comme on ne lui en connaissait pas. Le plaisir du film tient à leur savoureux duo de bras cassés. Savoureux et souvent émouvant. A l’écrin aussi que leur dessine Mariette, avec un souci de la forme plutôt rare pour un premier film. On a évoqué Wes Anderson, le réalisateur a pris un peu ombrage de cette référence écrasante. Mais on voit bien son goût pour les cadres frontaux, et son sens du décor. L’histoire aussi avec quelques éléments familiers : le road movie, la famille dysfonctionnelle, la figure du père indigne, les garçons immatures, la nostalgie de l’enfance… Il y a pire comme influence. Dans le ronron de la comédie française, tous ces films-faits-pour-faire-rire, "Tristesse Club" est une heureuse surprise.