Un fort large éventail des critiques pour ce film. Chef d'œuvre absolu! crient certains, alors que d'autres ricanent, hihihi, compte tenu de sa date de sortie sur les écrans français et de son effet sur les spectateurs, l'aurait mieux fait de s'appeller Summer Sleep. A noter qu'il y a eu des critiques négatives chez ceux qui, a priori, aiment ce type d'objet cinématographique, comme au Nouvel Observateur.
Que penser? Le problème pour moi, c'est que je ne sais absolument pas quoi penser de Nuri Bilge Ceylan. J'avais adoré son précédent opus, Il était une fois en Anatolie (reportez vous à ma critique), film poétique et absurde, errance sur les petites routes tortueuses d'Anatolie, au milieu d'amples paysages, pour retrouver l'endroit où un meurtrier avait enterré sa victime, croisant au passage des personnages pittoresques. Mais il y a eu aussi Les Climats, insupportable nanar où un couple règle ses comptes dans des paysages trèsbeauxtrèschics, ce qu'on peut faire de pire en tant que mauvais décalquage de films intellos prétentieux de la nouvelle vague. Bref, j'aimerais le Ceylan mutique, et pas le Ceylan bavasseur?
Disons que Winter Sleep se situe entre les deux, mais que le côté bavassage prend souvent le dessus. Sur les trois heures trente (quand même....), il y a bien une heure de trop, celle où le héros discours avec sa sœur, puis sa femme, de ces discussions familiales où on se frotte, où on se fritte, où tout ce qu'il y a de moche dans le passé remonte à la surface, où les mots sont trop forts -de ces discussions que l'on connait tous, qui sonnent ici fort justes -mais une demi heure, c'est trop! Au secours!
Heureusement, il y a la Cappadoce et ses incroyables paysages. Ses maisons troglodytes qui ressemblent à des champignons, on se croirait dans un conte de fées - où peut être chez les petits hobbits? Le héros possède un hôtel troglodyte, inouï, on en rêve (sauf que l'hiver il y fait un froid de canard. On ira l'été....
Le réalisateur dit être parti de trois nouvelles de Tchekov. Cela pourrait expliquer le côté relativement hétéroclite du film. [Différentes pistes s'ouvrent, on ne sait pas très bien où on va]
Haluk Bilginer qui incarne le héros, Aydin, porte le film car il a une présence, un charisme.... stupéfiant. Grâce à lui, les trois heures (et demi....) passent mieux. C'est un homme riche: il possède cet hôtel, et plusieurs autres maisons qu'il loue à des gens qui ne peuvent le payer. Il est écrivain et journaliste, pour une feuille de chou; il a été acteur. Il est passablement arrogant, sans vouloir l'être, machiste, sans le savoir, mais tellement séduisant! C'est bien comme ça qu'on imagine un riche intellectuel turc....Ce personnage complexe, quoique plein de certitudes, est très réussi. Il partage sa vie avec deux femmes: sa sœur Necla (Demet Akbaq), divorcée mal dans sa peau qui n'accepte pas de se retrouver maintenant coincée dans cet hôtel dont elle est, pour la moitié, propriétaire; et sa très jeune femme Nihal (Melisa Sözen). Nihal a été très amoureuse, du temps où il était acteur; on comprend que c'est elle qui l'a sollicité: Mais elle est maintenant, elle aussi, comme Necla, amère et aigrie. Elle a le sentiment de ne plus exister par elle même. Alors, elle tente de monter une association d'aide aux écoles, dont Aydin va stigmatiser la mauvaise gestion, ce qui va blesser la jeune femme et entrainer un de ces interminables affrontements dont je parlais plus haut...
Le destin d'un autre personnage pendant toute la première partie du film, interfère avec celui de Aydin. C'est un hadji, un religieux qui occupe une de ces maisons louées par Aydin, qui est quant à lui un parfait athée. Le neveu du hadj (qui a dû en entendre à la maison sur le sale proprio....) a brisé avec une pierre une vitre de la voiture de Aydin. On pense donc, au début, que le film va tourner autour cette histoire. Même pas. C'est juste l'occasion de tracer un portrait absolument haïssable du "saint homme": sournois, cauteleux, manipulateur...
Que dire? Il y a des moments où on s'emm...... ferme; d'autres moments de grâce, une chasse dans la neige, un cheval blanc pris à la longe qui se débat dans un cours d'eau, un cheval blanc qu'on rend à la liberté. Avec Aydin, un vrai, beau caractère de cinéma qu'on aimerait voir plus fortement employé. Impossible d'avoir le moindre avis tranché! Au prochain Ceylan, faudra vraiment que je me décide!!