Film génial, un film dense qui regarde à l'étage où se nouent les relations entre les humains, l'étage où ça coince, puisque c'est l'étage où ça parle vrai, et où personne ne parle la même langue. Chacun parle depuis son propre continent, émotionnel, affectif, social. Ça parle, mais c'est pas du bavardage, ça balance sec, ça montre ce qui est en jeu dans une relation. Donc ça dérape. Forcément, chacun part sur son propre délire et embraye sur ses propres obsessions. Ça commence soft, chez les bobos anatoliens, et ça dérape. La sœur balance, la femme balance, toutes les frustrations font surface, et lui, le protagoniste, il aurait bien continué tranquillement comme ça, mais les emmerdeuses, la sœur et la femme, balancent sec, leurs griefs, leur subjectivité. Et ceux de l'autre monde (les prolos, ceux qui ne paient pas leur loyer, ceux qui prient ou militent) parlent aussi très fort, même quand ils ne disent pas grand chose. Et nous on regarde, médusés, cette vérité et cette profondeur des relations humaines. Mâtinée d'un arrière plan social. Nuri Bilge Ceylan sait exactement où sont les gens et d'où ils parlent. Et en plus, l'image est sublime, cette alternance entre paysages d'hiver et ambiances douillettes, confinées et confortables, claustrophobantes.