Alex Garland, aux origines romancier ayant tapé dans l’œil d’un certain Danny Boyle, passe, après 15 ans dans l’univers du cinéma, à la réalisation avec Ex Machina, nouvelle déclinaison du thème de l’intelligence artificielle. Auteur de La Plage, justement adapté par le metteur en scène britannique, puis scénariste, toujours pour Danny Boyle, de 28 jours plus tard et Sunshine, il était temps pour Garland de voler de ses propres ailes. Son décollage s’avère brillant, en 2015, avec ce film d’anticipation prenant à la fois la forme d’un huis clos et d’un thriller paranoïaque. D’apparence anodine, le sujet ayant été abordé à de multiples reprises, plusieurs générations confondues, il s’avère pourtant qu’Ex Machina à quelque chose d’autre à démontrer, à offrir. Le parti-pris du jeune cinéaste, celui consistant à ne pas s’étendre sur la création mais bel et bien sur l’application d’une telle intelligence artificielle fonctionne dès le départ.
Proprement remarquable dans son traitement, le scénario empile dans un premier temps les mystères, d’abord en ce qui concerne les deux personnages, humains donc. Un employé gagne donc le privilège de visiter la demeure impressionnante de modernisme, forteresse Hi-Tech, de son employeur. L’employé, programmateur, est dès lors investi de la tâche de tester la nouvelle création de son boss, excentrique milliardaire, présenté comme cerveau d’un moteur de recherche, équivalence de Google. Cette fameuse création n’est ni plus ni moins qu’un androïde doué de sentiments, de conscience. En dépit de l’exploit technique, malgré l’apparente sérénité qu’inspire les paysages avoisinants la propriété de dénommé Nathan, le jeune invité se retrouve bien vite en terre hostile, s’attachant à la machine et soupçonnant l’humain de lui mentir. Quand est-il réellement? Ça, je vous laisse le soin de la découvrir par vous-même. Cela en vaut la peine.
Alex Garland signe là un film bâti sur le charisme de son trio de comédien, le jeune et prometteur Domhnall Gleeson, attachant, le brillant Oscar Isaac et la sublime Alicia Vikander. Avec une certaine forme de grâce, ses trois acteurs se tournent autour durant un jeu de personnalité des plus saisissants. En effet, le scénario ne tombe jamais dans la piège de préconçu, de la redite, innovant sans cesse sous l’apparence d’une vision plus humaine que technologique du phénomène de la pensée informatisée. Les deux humains sont ici des petits génies. Mais la création de l’un d’entre eux sera-t-elle plus brillante encore. Un final saisissant amènera toutes les réponses.
Très bon début de carrière, donc, pour Alex Garland, qui livre un film dans l’air du temps, un film d’anticipation relativement indépendant de toutes formes de références, un pur produit original. Rien que cela, il s’agirait presque d’un exploit dans l’univers actuel du cinéma. S’offrant les services de comédiens talentueux, de techniciens brillants, la modélisation d’Ava est de toute beauté, le réalisateur parvient à marquer d’emblée son public et démontre dès sa première tentative qu’il pourrait être quelqu’un sur qui compter à l’avenir. 16/20