Faire un film comme celui-ci, inspiré de faits réels, était un pari risqué mais aussi très intéressant. Risqué car cela demande une vision claire du réalisateur sur son sujet, savoir exactement où il veut en venir ; intéressant vis-à-vis du cadre d'une beauté et d'une immensité incroyable.
Tout d'abord, il est important de préciser que Everest, est beau, très beau. Nous avons ainsi droit à des images sublimes et d'une parfaite netteté, mais également à des plans relevant parfois presque du documentaire. Et forcément, si l’œil est satisfait, on est tout de suite plus enclin à entrer dans l'histoire et à s'intéresser aux personnages.
Et c'est ici que ça va commencer à clocher, car le visuel ne fait pas tout, loin de là. Alors attention, on ne va pas se trouver ici dans le schéma d'un film catastrophe classique, et, une fois terminé, on se dit qu'en soit c'est sympatoche. Mais pas plus. Alors que s'est-il passé ? Pourquoi est-on quand même plutôt content quand le générique de fin s'annonce ? A cela je pense avoir ma petite idée, et elle se trouve selon moi dans un problème de vision du réalisateur. Le sujet lui a tenu à cœur, c'est indéniable, tant on ressent une bonne volonté dans sa démarche, mais la structure même du film montre une certaine incohérence. En effet, nous avons droit à trois parties bien distinctes dans Everest : la présentation des personnages (50% du film), l'ascension (10%) et enfin la descente (40%).¹
La première partie, la présentation des personnages donc, est un gros bloc du film. On y fait ainsi la connaissance de tous les protagonistes, de leur vie personnelle, de leur motivation... Cela incitant donc à comprendre ces individus, à s'y attacher. Lorsque la deuxième partie commence, on se dit donc que le réalisateur a choisi, pour interpréter cette histoire tragique, de nous diriger vers un film à tendance émotionnelle. Et à la rigueur, pourquoi pas ? Tous les ingrédients sont là pour, et je dirais même que par rapport aux films catastrophes ordinaires, c'est même justifié.
Sauf que voilà, avec l'ascension de l'Everest, on commence à se poser des questions. Pendant donc la longue première partie, on nous parle sans cesse de la tâche quasi impossible d'atteindre le sommet, on nous parle de plusieurs bases différentes, d'énormes difficultés entre chacune d'entre elles... Mais bim, en deux temps trois mouvements on se retrouve sur le toit du monde, prêt à déjà redescendre. Alors je comprends tout à fait que cette étape n'est pas la plus cruciale de l'histoire, mais elle était censée nous montrer l'incroyable longueur de l'ascension. A la place, on a juste l'impression de se taper une montagne parmi tant d'autres. C'est dommage car ça casse le côté quasi mythique de l'aventure que nous proposait la première partie du film.
Et ça ne va pas aller en s'arrangeant. La confusion va être encore plus grande avec la partie tragique. Cette dernière étonne considérablement avec une vraie banalisation de la mort. En effet, on regarde le destin funeste des protagonistes mettre son plan en exécution sans la moindre dose d'émotion. C'est peut-être affreux à dire, mais ça ne marque pas, c'est juste comme ça, et puis c'est tout. Et cela devient finalement totalement paradoxal quand on voit que pendant un peu plus d'une heure on fait tout pour que l'on s'attache à toutes ces personnes. Soit ils sortent du champ de la caméra, soit ils gèlent dans leur coin, tranquillou. Et ça, c'est vraiment dommage. Ce n'est pas logique, car le réalisateur doit finir par choisir son camp, choisir où doit aller son oeuvre, et on ne peut pas donner l'envie aux spectateurs de s'attacher aux personnages une grande partie du film si c'est pour qu'après on fasse tout pour banaliser au maximum leur décès dans l'indifférence générale. Et c'est d'autant plus frustrant que Everest aurait tellement gagné à être construit de manière cohérente tout du long. Car quand on prend les deux principales parties à part, elles sont très réussies, avec finalement peu de choses à redire, mais monter ensemble, ça ne colle tout simplement pas.
Alors attention, le film n'est pas mauvais pour autant, il reste quand même agréable et détient de nombreuses qualités. Les acteurs sont tous très bons, très justes dans leur rôle respectif, et on prend "plaisir" si je puis me permettre à suivre cette histoire à l'issue tragique. Seulement, je tiens à plus mettre en avant les aspects négatifs de Everest car il avait tout pour être un très grand film. A la place, on a le droit à un film passable, à cause du manque de prise de position de Baltasar Kormákur.
¹ Les pourcentages ne sont en rien scientifique, ils servent juste à donner un ordre d'idée de ce que j'ai ressenti en visionnant le film.