La machine est savamment huilée, paramétrée à la mode d’un certain cinéma populaire d’il y a deux petites décennies, renvoyant aux quelques illustres confrontations entre hommes et nature que nous aura servi Hollywood jadis. Everest, en ce sens, est un brin désuet, une désuétude qui possède pourtant suffisamment de charme pour conquérir le public actuel, le faire voyager sur le plus haut sommet du monde, certes souvent reconstitué numériquement, avec l’assistance d’une 3D potable, marque ultime d’évolution pour le cas qui nous concerne. Le cinéaste islandais, Baltasar Kormakur, depuis longtemps implanté Outre-Atlantique, tente surtout, avec ce morceau de bravoure, de faire oublier son précédent 2 Guns, ces quelques errances dans le cinéma purement alimentaire et sans consistance. Son entreprise d’ascension de l’Everest, pour l’occasion, inspirée de faits réels, évidemment, redore quelque peu son blason auprès du vaste public, en dépit d’une certaine naïveté. On en revient toujours à la désuétude d’un scénario qui privilégiera les rapports humains larmoyants à la pure technique alpiniste.
Il ne s’agit donc pas ici de s’attendre à une stricte histoire d’aventure dans ce qu’elle aurait pu offrir de plus documentée mais bel et bien à une aventure humaine parfaitement calibrée par le géant de l’Entertainment hollywoodien. Les prémices sont réjouissantes, le temps au beau fixe mais bien vite, tout se dégradera. Le sommet atteint, du moins pour certains, voilà qu’arrive une bonne vieille tempête qui empêchera un serein retour au monde des hommes. Dès l’arrivée des ennuis, le scénario oublie bien vite la personnalité de ses protagonistes. L’orgueil mal placé de Josh Brolin, le tempérament casse-pipe de Jake Gyllenhaal, la bonté d’esprit de Jason Clarke, tout ça disparaîtra subitement pour ne laisser place qu’à une vaste entreprise de sélection naturelle un brin facile. En gros, lorsque la montagne reprendra le dessus, décimant les pauvres êtres la gravissant, les quelques efforts d’écriture tomberont tous à l’eau. Qui survivra, qui mourra? Le seul suspens, en définitive, sachant qu’aucun des personnages ne se distingues des autres, pas mêmes les braves Sherpa népalais. Clou de ce spectacle balisé, les échanges téléphoniques larmoyants entre une épouse et son mari sur le point d’y rester, à des milliers de kilomètres de distance.
Nous aurions donc apprécié un film d’aventure sans concession, technique, documenté, des lequel la neige aurait été réelle, dans lequel les personnages auraient eu une vraie personnalité. On se contentera d’un divertissement préfabriqué ou les femmes des alpinistes interfèrent dans l’aventure, ou le pathos prédomine. Ceci n’est pas un jugement de valeur qui condamne définitivement Everest sachant que l’entreprise de Kormakur est honnête, considérable sur le plan financier et des techniques de tournages. Car oui, Everest, qu’il s’agisse d’un film synthétique sur les grandes aventures en montage n’y change rien, reste et restera un divertissement correct, une aventure sympatique et parfois suffisamment spectaculaire, du moins sur vaste écran, pour nous faire oublier ses lacunes d’écriture, un parti-pris, et sa surdose de CGI, techniques modernes obligent, malheureusement.
Finalement, restera comme étant l’un des grands thèmes de ce film, les débuts de l’ascension de l’Everest en mode tourisme de luxe. Evoquée ici, mais trop peu développée, cette pratique maintenant courante laisse chaque année des cadavres gelés sur les pentes du mythique sommet, des sociétés comme celle dirigée ici par le dénommé Rob Hall amenant des touristes tous les ans dans une tentative vertueuse de dompter ce monstre de roches et de glace. Ceci n’est-il pas l’une de nos nombreuses dérives humaines, prenant en compte de l’asservissement d’une population, Sherpa dévoué à baliser le terrain? On aurait aimé que le film de Kormakur s’y intéresse de plus près mais nous contenteront de ce qu’il offre. 12/20