Un film tragique au propos presque parfaitement maîtrisé. Certes, on regrettera que le film recoure aux clichés incontournables du film catastrophe (l'épouse éplorée dans l'attente de nouvelles, la phrase "Promets moi de revenir" au moment de la séparation, l'appel téléphonique au héros en plein danger), ces clichés étant agaçant car vus des milliers de fois. Au passage, j'avoue ne pas comprendre qu'on puisse encore employer ces procédés tant ils sont éculés. Mais passés ces quelques petits tics propres aux films de catastrophe qui se respectent, la vérité tragique resurgit bien vite et nous prend aux tripes. Car ce film a un fond documentaire, et c'est cela qui le rend puissant. La réalité est souvent moins rose que ne l'est l'imaginaire hollywoodien. En l’occurrence, vers la moitié du film, la tragédie implacable se met en place avec une vitesse et une logique glaçantes, au sens propre comme au figuré. Le film a aussi le mérite d'explorer des zones peu connues, ici celles de l'alpinisme extrême sur le "toit du monde". Comme toujours, l'enjeu est de reculer les limites humaines et de vaincre la nature... Nature qui souvent se montre retorse et toujours a le dernier mot. Mais au delà de cela le long métrage donne également un éclairage sur le monde du sport extrême, informe également sur les méfaits du tourisme sauvage au Népal, avec ses hordes de touristes inexpérimentés voulant "se payer l'Everest". Plus que le côté anecdotique de l'horrible catastrophe intervenue cette nuit de mai 1996, le film tente de comprendre pourquoi l'Everest est ainsi devenu un cimetière à ciel ouvert, 200 cadavres étant aujourd'hui encastrés dans la montagne, parfois à la vue de tous. La concurrence entre tours opérateurs soucieux de capter l'argent généré par la montagne, la vanité égoïste de touristes pas toujours respectueux ni de la montagne, ni de leurs limites, et finalement l'envie d'émotions fortes sont davantage responsables de ces hécatombes que les tempêtes imprévisibles, le manque d'oxygène et le froid extrême. Sur les sommets glacés de l'Himalaya, les éléments se déchaînent autant que la folie humaine. A la soif des sommets et l'exubérance des ascensions vertigineuses succèdent très vite la peur, l'engourdissement et le renoncement. Les équipes se dissolvent, et très vite on en arrive au chacun pour soi, car dans le danger on ne peut plus s'encombrer des faibles. Une fois brisé le charme trompeur de la promenade pour touristes plus ou moins confirmés, le sauve qui peut général et la mort fauchent rapidement les forts et les faibles. Un grand film que l'on appréciera autant pour la beauté de l'aventure que pour la tragédie humaine.