"On est encore loin de Tucumcari ?", scandait le colonel Mortimer dans le wagon qui l'emmenait sur les traces de sa prochaine cible dans le légendaire second volet de la trilogie des dollars. Ici, dans "Shérif Jackson", nombreuses sont les indications qui montrent qu'il s'agit là non pas d'une œuvre d'auteur mais d'un pur produit d'exploitation. Et c'est d'ailleurs bien assumé, comme à la grande époque des films Cannon de Menahem Golan et de Yoram Globus. Ah, ces scènes de nu ou de sexe gratuites... un passage obligatoire de ces nanars Cannoniques... D'ailleurs, à l'instar de ces derniers et dans la même tradition il est peu probable que le film ait été réalisé en entier par la même personne du début à la fin : beaucoup de plans trahissent cet état de fait. Commençons par éclaircir ce point : s'il y a une certaine maîtrise tout le long dans la mise en scène, les choix esthétiques traduisent en définitive une certaine négligence, une sorte de flemme indigente à restituer l'essence des scènes tournées. Un peu comme si le réalisateur avait pris le parti de piocher ci et là les éléments de son récit, manquant lui-même d'inspiration... d'où la référence à Tucumcari... d'où la scène du début dans les toilettes, qui rappelle immanquablement Unforgiven d'Eastwood. Et il y en a plein d'autres, des références qui semblent être davantage dues au plagiat circonstanciel qu'à un hommage sincère. Le film ressemble en cela à une blague potache, parfois assumée d'ailleurs : comme dans la scène ou Ed Harris passe à tabac celui auquel il va succéder ! Si les frères Weinstein réalisaient au lieu de produire, il est probable que Shérif Jackson serait leur genre de film. Mais n'est pas Tarantino qui veut : même si certains des acteurs font correctement leur travail, comme le mari (la femme joue très mal en réalité) ce sont les situations qui manquent de crédibilité. Même l'excellent Ed Harris cabotine de façon outrancière. Et là se pose le gros problème du film : une inculture du metteur en scène, probablement trop vert, trop jeune. Et qui nous poursuit jusque dans la version française : quand on verse à ce point dans l'amateurisme, nul étonnement que les doubleurs négligent également leur partie et ignorent jusqu'à la conjugaison des verbes. "Repentissez-vous", clame le prétendu prophète. Et là, ça fait vraiment tâche ; impossible alors de porter le moindre crédit à cet illuminé en pâte à modeler. Enfin, on a vraiment droit à tous les éléments habituels du cinéma d'exploitation : anachronismes, inversions des valeurs (la prostituée vertueuse et les ecclésiastiques racistes et pourris qui vont jusqu'à se prophaner eux-mêmes), mauvais choix esthétiques dus probablement au mauvais goût et à l'immaturité. La musique, par exemple, est un exemple de mauvais goût cartactérisé. Elle aurait trouvé sa place dans un film d'Albert Puyn comme Cyborg... pas dans un western. Tout cela laisse un arrière-goût de grosse caricature. A comparer avec des films comme The Salvation ou Never Grow Old pour voir l'étendue de l'indigence d'une réalisation comme celle-ci, et réaliser qu'il n'y a aucune fatalité à voir le nouveau western s'affaisser ainsi.