Un tandem de Robert dans un drame familial à forte consonance de polar que n’aurait pas boudé un certain John Grisham. Le film de David Dobkin, noyé dans un flot discontinu de bonnes intentions et de clichés parfois maladroits, n’est pourtant pas désagréable à suivre. Il serait même plutôt sympathique, notamment de par les excellentes compositions du père et du fils, respectivement Robert Duvall et Robert Downey Jr. Tourné à 50% dans une salle d’audience d’un bled d’Indiana comme il y en a mille, Le Juge nous dresse d’abord le portrait académique d’une famille déchirée américaine et moderne. Le père est magistrat, juge bourru de son état, incontestable monument dans ses pénates. Le fils prodigue, lui, est un célèbre avocat de métropole, un businessman peu enclin à la morale. Le père et le fils ne peuvent en somme plus se voir en peinture. Mais le décès de la mère puis l’inculpation pour meurtre du père devra réunir coute que coute la petite famille.
Relativement simple, du moins pour un film développant des aspects juridiques, le film de David Dobkin se veut pourtant complexe. C’est sans doute là que le cinéaste semble ne pas vraiment assumer toute ses responsabilités. De nombreuses séquences poussent le film dans une certaine forme de rallonge peu plaisante, deux heures et quinze minutes étant une durée sensiblement trop longue pour ce type de produit. Que le fils mette sa fierté au placard et accepte non seulement de défendre son père mais aussi d’apprendre à le connaître, c’est très bien. Mais était-ce essentiel d’inclure une romance dans tout ce tableau? Sûrement pas. A ce titre, le personnage de Vera Farmiga, que l’on a connu sacrément meilleure, ne sert en somme qu’à prolonger l’effort d’un bon gros quart d’heure, cela prétéritant par ailleurs le relation la plus importante, celle du père et du fils, accessoirement du fils, du père et des frères.
Coté mise en scène, le Juge est d’un traditionalisme à toute épreuve. Les images livrées par le metteur en scène sont si communes que mêmes les jolis paysages de l’Indiana reculé ne peuvent amener un quelconque dose d’exotisme. On apprécie certes ce petit voyage en Amérique profonde mais pourtant rien ne nous invite à nous imprégner de l’esprit de cette bourgade, pourtant elle aussi actrice du drame qui se déroule à l’écran. En vérité, seuls les acteurs principaux, duo fort en gueule, parviennent à donner du tonus au long-métrage, radicalement sauvé par quelques joutes verbales plutôt sympathiques entre un père bourru, voire déplaisant, et un fils imbu de lui-même, orgueilleux. Lorsque la vérité éclate, concernant la relation conflictuelle entre les deux hommes, le film perd inévitablement de sa saveur. Même si le final proposé n’est pas celui escompté, le scénario n’est somme toute pas si mauvais, on sent tout de même que l’intérêt s’est perdu en route, lors d’engueulades très bien écrites.
Autre atout intéressant, toujours à propos des deux comédiens qui font à eux seuls le Juge, la confrontation entre la dureté, le drame embuant qu’est le père, excellent Robert Duvall, nommé dans la catégorie meilleur acteur secondaire pour les Oscars 2014, on se demande pourquoi, et le raffinement presque comique, l’entrain de Robert Downey Jr, vitamine d’un film qui souvent s’endort sur ses lauriers. Les confrontations sont intéressantes, le scénario n’est pas trop mal. Que demande donc le peuple? Eh bien tout simplement moins de bonbons, de guimauve et d’académisme à l’américaine. Peut-on dès lors faire un film dramatique, judiciaire, sans tout ce flonflon bon marché? Cela semble difficile même si David Dobkin s’en sort plutôt bien. 12/20