Franchement il s'en est fallu de peu pour que je ne voie pas ce film, il passait à côté de chez moi, seul cinéma de la région à le passer, j'adore Larry Clark... mais voir VF, ça me donnait la nausée... heureusement qu'on a eu la présence d'esprit de me dire que le film est tourné en français... Je m'en serais de rater ça, parce que comme tous les Clark, c'est très bien.
Ce ne sont pas forcément des films qui parlent immédiatement (bien qu'ils le fassent malgré tout), mais c'est des films qui marquent. J'ai de très bons souvenirs de Ken Park ou Kids que j'ai vu il y a quelque chose comme une dizaine d'années alors que j'ai tendance à être un peu un poisson rouge où le souvenir d'un film chasse l'autre...
Clark fait toujours plus ou moins le même film, sans réelle intrigue, juste des jeunes, des jeunes perdus qui sont des jeunes et c'est ça qui est formidable ! Des jeunes qui sont des jeunes et qui ont des comportements de jeunes, alors on sent que les acteurs sont peut-être une ou deux fois moins bien dirigés que lorsqu'il tourne en anglais, en même temps, pas évident de diriger et de savoir ce qui est juste dans une langue que l'on ne parle pas... mais globalement c'est d'une sublime laideur... Rien n'est beau et pourtant.
Clark prouve encore une fois (parce qu'il n'est pas le seul à le faire), que des scènes, banales, quotidiennes, filmée avec une caméra de mauvaise qualité, c'est ce qu'il y a de plus beau. La beauté du quotidien ! Et ce quotidien est monotone, cruel, terrible... Il faut s'en évader et pour ça tous les moyens sont bons, drogue, sexe, alcool, prostitution... Et c'est juste beau, parce que cette jeunesse perdue elle est vraie, elle existe... Alors certes les situations, certains pourront les trouver exagérées, mais ça n'enlève rien à la vérité de ce qu'elles disent sur la jeunesse, notre jeunesse, la perte de repères.
C'est vraiment un film à voir, pour chercher, comme ces personnages à s'évader...
Alors j'ai spéculé un peu sur le sens, ce que je n'aime pas du tout faire, mais les voir sur les parvis des musées à faire du skate, je pense que ça veut dire quelque chose, ce n'est pas anodin qu'ils restent dehors alors que l'art est à l'intérieur ? Est-ce-qu'il ne leur parle pas ?
Ou bien le fait que la première scène soit des jeunes qui évitent un obstacle personnifié par un vieux clochard (joué par Clark himself).
Ce n'est donc pas un film qui raconte rien, au contraire, il n'y a pas d'intrigues, peut-être qu'on peut surinterpréter des trucs, mais ce que l'on voit en dit déjà bien assez, cette sorte de constat sans jugement du monde actuel. Parce qu'il n'y a pas de sursaut moral... et ça c'est bien.
D'ailleurs j'ai adoré une scène en particulier, où il y a un équivalent dans un autre film vu récemment : Eastern Boys, et sur exactement le même thème, le même sujet : un prostitué qui se rend chez son client, tous les deux réalisateurs font deux choses très différentes, intenses et assez belles, même si ma préférence va pour le Clark.
Bref, c'est une nouvelle expérience cinématographique, proche des obsessions de Clark (faut voir le nombre de plans sur les caleçons de ces ados... presque autant que Malick met de contreplongées...), profondément marquant parce qu'il est tout simplement juste.