Une adaptation décevante de l’œuvre d’Irène Némirovsky (publiée en 2004) par le réalisateur de "The Duchess". Le scénario est un scénario classique de drame romantique : cinquante ans
après la mort d’Irène Némirovsky, sa fille trouve le courage de lire son journal et y découvre une histoire incroyable... En 1940 en France, attendant des nouvelles de son mari, prisonnier de guerre, la sublime Lucile Angellier mène son existence sous l’œil inquisiteur de sa belle-mère. Mais bientôt arrive une garnison de soldats allemands qui s’installe chez l’habitant. Elle essaye d’abord d’ignorer Bruno, l’élégant officier qui séjourne chez elles. Ils succomberont à l’amour au bout de quelques semaines, ce qui va les mener vers les tragédies de la guerre
... Cette adaptation de l’ouvrage d’Irène Némirovsky était forcément très attendue, plus de dix ans après avoir été récompensée par le prix Renaudot. N’est-ce pas un livre de référence sur l’Occupation et les méandres de la Seconde Guerre mondiale, écrit par une personne sensible qui a vécu le conflit auprès de millions d’autres civils ? Certes, le thème de l’histoire d’amour entre Français et Allemands, au cœur d’un conflit où fraterniser avec l’ennemi est considéré comme un crime absolu, a été maintes fois exploité au cinéma. Aussi ne peut-on s’empêcher de comparer ce film d’un grand classicisme avec de grands chefs d’œuvre tels que "Charlotte Gray", ou à des téléfilms tels que "La Bicyclette bleue" et "Un village français". Force est de constater que "Suite Française" manque cruellement d’émotion, et que la froideur de l’ensemble n’a d’égal que le peu d’alchimie entre les deux acteurs principaux. La mise en scène ne sauve pas non plus une intrigue prévisible, au point que des situations à grande portée historique, qui rappellent les heures les plus sombres de la guerre, manquent cruellement de profondeur. Le spectateur restera sans doute stoïque face à des scènes qui, traitées avec davantage d’imagination, auraient pu créer une émotion sincère. La reconstitution historique est impeccable, tous les protagonistes sont réunis afin de dresser un portrait de la vie "à l’arrière" : les résistants, les collaborateurs, les simples spectateurs... Comment expliquer alors le peu d’empathie envers eux que le public lambda ne pourra s’empêcher d’éprouver ? Alors que le film ne fera pas date dans la pléthore de longs-métrages qui met en scène la Seconde Guerre mondiale, ce n’est certes pas auprès de "Suite Française" que les horreurs de la guerre vous sauteront aux yeux, bien au contraire. Bien que l’histoire d’amour, véritable sujet du film, et que l’on espère forcément déchirante et romantique à souhait, est noyée entre des sujets aussi divers que le combat des Résistants, les réquisitions des soldats allemands ou encore les tickets de rationnement, aucun de ces thèmes primordiaux ne sont aboutis. Au point que le coup de foudre entre une jeune française interprétée par Michelle Williams et un officier allemand joué par Matthias Schoenaerts est à peine contrarié par les événements dramatiques qui se déroulent autour d’eux. Force est de constater qu’on n’y croit pas une seconde ! La composition de Michelle Williams est en effet des plus décevantes. Certes, son personnage manque de caractère et de charisme, mais ce n’est en aucun cas une excuse pour justifier le jeu fade de l’actrice. Face à elle, Matthias Schoenaerts tente d’insuffler de l’émotion à un personnage tiraillé entre son devoir, son épouse restée en Allemagne, et cette jeune Française qui l’attire inexorablement. L’acteur ne s’en sort malheureusement pas mieux que sa consœur, au point que ce film est à oublier dans sa filmographie jusque-là sans faute. Alors que le couple formé par Michelle Williams et Matthias Schoenaerts ne fonctionne pas à l’écran, celui que composent Sam Riley et Ruth Wilson est des plus convaincants et les acteurs les interprétant sont impeccables. Leurs interprétations d’un couple de fermiers obligé d’accueillir un soldat allemand chez eux sont bouleversantes. Au jeu des trios qui composent le film, entre ces fermiers honnêtes et travailleurs et le soldat allemand qu’ils hébergent et qui ne cesse de les menacer, le triangle formé par la petite française naïve, le soldat allemand victime de l’Histoire et la belle-mère qui les observe manque d’intérêt. Bien malgré elle, Kristin Scott Thomas représente l’attrait de ce long-métrage, livrant une performance toute en finesse en tant que mère désespérée par l’absence de son fils soldat, parti défendre les couleurs de la France. Pleine d’humanité, elle laisse peu à peu le portrait d’une femme sévère révéler une personnalité forte et pleine de tendresse. Certes, le casting a l’intelligence de réunir des acteurs belges, français, allemands... La crédibilité des seconds rôles ne peut en aucun cas être remise en cause et représente bien les différentes nationalités qui cohabitaient au cours de la Seconde Guerre mondiale. Mais ça ne suffit pas... Comme souvent, lors d’adaptations d’ouvrages au cinéma, le livre reste encore la plus belle illustration d’une intention louable, grâce à une œuvre de qualité qui attire les maisons de production; le cinéma, ici, n’apporte rien de plus au récit initial. Dommage...