Avec son dernier film en date (et j'espère qu'il y en aura d'autres...) Godard, éternel trublion, va encore plus loin dans sa folie pour nous offrir une expérience de cinéma absolument unique. Et c'est difficile à décrire, de toute façon il faut bien comprendre que ni la bande annonce, ni le visionnage d'autres films de Godard ne peut vous y préparer. Alors certes ce n'est pas si loin de Film Socialisme ou d’éloge de l'Amour, mélange d'expérimentation, d'essai politique et de fiction, sauf que là il pousse le concept à son paroxysme.
Ici la fiction n'existe quasiment plus et on est purement dans l'expérimental. C'est un film tellement "autre", même pour du Godard c'est surprenant. On est assis dans cette salle et on en prend plein la gueule visuellement et nos oreilles ne sont pas en reste pendant 1h10. Godard va tout trifouiller, il va toucher à tout, tout tester, c'est un véritable petit laboratoire de cinéma qui va juste plaisir à voir, avec des putains d'idées de cinéma, des idées d'utilisation de la 3D qui sont justes géniales, pour tout dire la 3D ça fait longtemps qu'elle m'en touche une sans faire bouger l'autre, je la trouve plate et inintéressante, mais là, c'est couillu, c'est conceptuel et ça rend magnifiquement bien.
Le spectateur n'est pas prêt pour voir ça, la preuve des gens ont enlevé leur lunette pendant certaines scènes du film ne comprenant pas comment ça se regarde (faut regarder avec l'oeil droit ou gauche uniquement et alterner entre les deux (idée géniale)). Et pour une fois on a de la profondeur sur quasiment tous les plans, il se passe quelque chose.
L'esthétique du film est réellement sublime, cette image détériorée lors des séquences avec le chien, cette musique crescendo qui revient comme leitmotiv du film (voir même de la filmo de Godard), c'est quelque chose.
De toute façon Adieu au langage est un film monde, on a tout dedans, on ressent tout et son contraire, on est agacé, émerveillé, irrité et ébahis en même temps.
Le film se pense je pense à la fois comme une caresse et une baffe dans la gueule, accumulant la douceur dans une séquence pour ensuite enchaîner les bruits et raccords dissonants.
De quoi vibrer sur son siège.
Tu peux intellectualiser si tu veux, tu peux prétendre à l'arnaque si tu veux, c'est ton problème, mais c'est se tromper, c'est un film qui se vit, une expérience douce amère sur la 3D, sur le cinéma, parsemée de moments réellement magnifiques, de belles idées et pensées. Et ce qui me rend triste c'est que si Godard, ce papi de 83 ans ne le fait pas, personne ne le fera. Qui va nous faire de la 3D comme dans le futur ? Qui va venir nous sortir de notre zone de confort, quitte à se faire insulter par les gens incapables de comprendre ?
Parce que c'est de ça dont il est question, venir nous sortir de notre zone de confort et nous proposer autre chose.
Quant aux réflexions, aux dialogues très godardiens, évidement, il faut voir le film pour ça, encore une fois il y en a trop pour les retenir et les citer de tête serait les dénaturer, mais il se dit des choses magnifiques sur la forêt, la non dangerosité des femmes et sur l'égalité dans le caca (ce qui outre la blague est réellement intéressant).
De toute façon il n'y a rien à dire sur le film, il faut le voir, l'intérioriser, l'extérioriser, s'en souvenir, l'oublier. Mais c'est quelque chose de très fort, de puissant qui ne peut pas laisser indifférent, il sera difficile de nier qu'il est aussi sublime que volontairement agaçant.
De toute façon il faut le voir, rien que pour s'y essayer, parce que ça c'est un pur film de cinéma.