Adieu au langage de Godard, je crois que je pourrais en parler pendant des heures sans rien avoir à en dire! Paradoxe, peut-être, Godard se foutrait-il de notre gueule? Citations philosophiques pompeuses, acteurs désastreux et actrice à poil à défaut d'être au poil, montage chaotique, images d'une laideur rare et en même temps c'est dans ce côté irregardable, expérimental mais diablement ironique que Godard crée quelque chose de conceptuellement puissant, fascinant. Les acteurs disent que face à la merde, on est tout au même stade, serait-ce l'image de nous-mêmes, spectateurs qui devont nous dépêtrer face à un film qui serait, facile et en même temps si normal, de qualifier de merde. Oui, c'est moche, c'est un peu tous les tics de la nouvelle vague poussés à leur paroxysme mais c'est aussi un film follement vivant, Godard réussissant le pari impossible? de nous parler de la conception de son propre film en filmant pendant une bonne demi-heure (sur 1h10!) son chien (qui défèque aussi d'ailleurs). Les personnages échangeront des considérations sur le personnage, l'actrice dira: ''je n'aime pas les personnages, on nous force à en être", Godard reprend en le systématisant cette conception périmée du personnage -nouvelle vague et nouveau roman étaient déjà passés par là-, il propose une sorte de non-film, la création visuelle comme seule possibilité de mettre en oeuvre le concept (un peu à la manière des dadaistes et des ready-made de Duchamp). Il met en abyme la fonctionnalité même du même, et non tant son fonctionnement. Les personnages évoqueront l'envers, l'endroit, le haut et le bas or adieu au langage ne serait-il pas l'adieu même du sens (pas tant sémantique que purement pratique: une oeuvre devant avoir un début, un milieu et une fin et cela même si on ne comprend pas grand chose, et pourtant, paradoxalement, on trouve les traces éparses d'une intrigue dans ce film : la rencontre d'un couple et d'un chien comme les bribes perdues du cinéma d'antan...). On a l'impression qu'Adieu au langage aurait pu être monté dans n'importe quel sens et pourtant il se termine sur des pleurs de bébé, des couinements de chats comme l'avènement d'une nouvelle ère. Le film de Godard est à la fois, comme son titre l'indique, un adieu au langage mais peut-être aussi parce qu'il en appelle un nouveau alors film testament ou renouveau, manière, pour Godard, de dire à ses détracteurs que non, il n'est pas mort et qu'il fera encore des films à 100 ans? Difficile d'avoir un avis tranché, si je dois juger le film sur le plaisir que j'ai pris à le regarder, je pourrais dire que je l'ai détesté, c'est moche et abscon mais pourtant en ressortant de la projection, j'ai eu l'impression d'avoir eu la possibilité de réfléchir à ma propre situation de récepteur, pourquoi allez-voir adieu au langage d'ailleurs parce que c'est Godard dont ça sera , soit chiant ou génial, ce qu'en disent les autres m'importent assez finalement mais moi, j'en pense quoi? Et ben, je pense avoir adoré et détesté tout cela...