Ben Stiller, à la fois devant et derrière la caméra, nous livre avec La Vie rêvée de Walter Mitty une œuvre ambitieuse qui mêle aventure, introspection et escapisme. Inspiré de la nouvelle de James Thurber, ce film déploie un univers visuel captivant tout en explorant des thématiques universelles comme la quête de soi et le courage de vivre pleinement. Si certaines parties brillent par leur originalité et leur charme, d'autres souffrent d'un manque de profondeur, laissant une impression d'ensemble à la fois engageante et frustrante.
La force indéniable de La Vie rêvée de Walter Mitty réside dans sa capacité à transporter le spectateur à travers des paysages à couper le souffle. Des vastes étendues glacées du Groenland aux sommets majestueux de l’Himalaya, le film est une ode visuelle à l'exploration. La cinématographie de Stuart Dryburgh est remarquable, chaque plan semblant taillé pour capturer la beauté brute et sauvage du monde.
Cependant, à trop se concentrer sur cette splendeur visuelle, le film tend parfois à négliger la profondeur émotionnelle. Bien que ces panoramas servent à illustrer la transformation intérieure de Walter, ils paraissent parfois plus décoratifs que véritablement essentiels à la narration.
Ben Stiller offre une interprétation sincère de Walter Mitty, ce rêveur maladroit dont l'ennui quotidien est transcendé par une série d’aventures inattendues. Stiller joue avec subtilité un personnage qui passe du banal au courageux, trouvant un juste équilibre entre humour discret et moments d'émotion retenue.
Pourtant, malgré cette sincérité, le personnage de Walter manque par moments de nuances. Si son évolution est inspirante, elle repose sur des archétypes déjà vus dans d’autres récits de transformation personnelle. Kristen Wiig, dans le rôle de Cheryl Melhoff, apporte une touche de chaleur et de douceur, mais son personnage reste cantonné à un rôle de muse, ce qui limite son impact narratif.
Sean Penn, quant à lui, illumine ses rares apparitions. En photojournaliste mystérieux et téméraire, il incarne la liberté et l'authenticité que Walter aspire à atteindre. Son interaction avec Stiller, bien que brève, est un point culminant du film.
Le film tente d’osciller entre deux registres : le quotidien morne de Walter et ses escapades fantasmées. Les rêveries spectaculaires, qui flirtent avec l'absurde, offrent un contrepoint visuel audacieux à la banalité de son existence. Ces séquences, bien qu’énergiques et imaginatives, donnent parfois l’impression d’interrompre l’histoire plutôt que de la servir pleinement.
À mesure que Walter commence à embrasser la réalité et à vivre des aventures réelles, le film gagne en cohérence. Pourtant, cette transition est parfois maladroite, et le rythme de l’intrigue en souffre, alternant entre des moments inspirants et d'autres qui paraissent étirés ou superflus.
Le cœur du film repose sur des thèmes qui, bien que puissants, manquent parfois de subtilité dans leur traitement. La Vie rêvée de Walter Mitty invite à sortir de sa zone de confort et à embrasser l’inconnu, mais ce message est délivré de manière souvent prévisible. Les aventures de Walter sont moins le fruit de choix difficiles que de circonstances presque fortuites, ce qui affaiblit l’impact émotionnel de son voyage.
Les moments de confrontation, notamment avec Ted Hendricks (Adam Scott), le patron insupportablement arrogant, manquent de mordant. L’arc narratif aurait gagné à approfondir davantage les dilemmes internes de Walter, plutôt que de se reposer sur des antagonistes caricaturaux ou des solutions faciles.
La musique du film, dominée par les morceaux inspirants de José González, joue un rôle essentiel dans la création de l’ambiance. Des titres comme Step Out et Stay Alive accompagnent parfaitement les moments-clés du voyage de Walter, renforçant le caractère exaltant de ces scènes. L’utilisation de Space Oddity de David Bowie, intégrée de manière ingénieuse, ajoute une dimension nostalgique et motivante au récit.
Cependant, la bande-son peut parfois sembler trop envahissante, dictant les émotions du spectateur plutôt que de les laisser émerger naturellement. Certains spectateurs pourraient trouver ces choix musicaux trop évidents ou manipulateurs.
La Vie rêvée de Walter Mitty est ponctué de scènes mémorables. Le saut depuis un hélicoptère dans des eaux glacées, la descente en skateboard à travers les paysages islandais ou encore la rencontre finale avec Sean O’Connell comptent parmi les passages les plus marquants. Ces moments capturent l’essence du film : une célébration de l’audace et de la découverte.
Cependant, entre ces sommets, le film souffre de longueurs. Les transitions entre rêve et réalité manquent parfois de fluidité, et certains segments semblent plus servir de remplissage que de véritable progression narrative.
La Vie rêvée de Walter Mitty est un film qui charme par sa beauté visuelle et sa sincérité. Ben Stiller propose une aventure inspirante qui, malgré ses faiblesses, résonne avec quiconque rêve de rompre avec la monotonie et de vivre une vie pleine de sens.
Cependant, le film peine à équilibrer ses ambitions esthétiques et narratives, laissant parfois une impression de superficialité. Si l’histoire de Walter Mitty offre des moments d’émotion et de spectacle, elle ne parvient pas toujours à transcender les clichés de son genre.
En fin de compte, La Vie rêvée de Walter Mitty reste une œuvre plaisante et bien intentionnée, qui touche plus souvent qu’elle ne transcende. Elle rappellera à ses spectateurs qu’il est parfois nécessaire de se perdre pour mieux se retrouver, même si le chemin peut sembler un peu balisé.