Un film dramatique vraiment pas terrible, qui raconte l'histoire de Walter Mitty qui est
un homme ordinaire, enfermé dans son quotidien, qui n’ose s’évader qu’à travers des rêves à la fois drôles et extravagants. Mais confronté à une difficulté dans sa vie professionnelle, Walter doit trouver le courage de passer à l’action dans le monde réel. Il embarque alors dans un périple incroyable, pour vivre une aventure bien plus riche que tout ce qu’il aurait pu imaginer jusqu’ici. Et qui devrait changer sa vie à jamais
... Hier encore, avec l’innocence faisandée d’un enfant de six ans décapitant une Barbie à la molaire, Ben Stiller faisait tendrement pleuvoir le napalm sur son héritage cinématographique, posait des mines anti-personnelles au cœur des suppléments mode de la presse nineties, ou sacrifiait ses relations de bon voisinage filmique sur l’autel de la parodie souveraine. Aujourd’hui parvenu à l’âge cruel qui transforme les grands comiques en petites pleureuses ou en génies définitifs, Ben Stiller se prend au sérieux. Sur le papier son "Walter Mitty" se présente comme un ovni respectable, c’est-à-dire pas assez tordu pour déplaire aux familles du Wisconsin, et suffisamment trempé d’audace pour faire sourire ses fans. Dans les faits, cette chose trop ambitieuse pour être honnête navigue quelque part entre le Géo spécial sensations fortes et la pub Samsung grand format. Un jerrycan de smoothie philosophique, obtenu en pressant ensemble des fantasmes de voyageurs organisés, la pulpe d’un forum de site détente/psycho, de l’essence de mono-rêve contemporain capturé à la Go-Pro, et de l’aventure façon Banga. Un seau de junk food intellectuelle pompée sur l’avant-propos d’une Bible de l’épanouissement personnel. Tout en chemisettes, en échappées mentales et en rêves broyés par la mort prématurée de papa, Walter Mitty est donc à la fois un bipède transparent et un employé obscur. Pour cesser de fantasmer à blanc, et courir à la fois après son potentiel, la reconnaissance publique et l’amour (pour que tout le monde s’y retrouve), Walter décide logiquement d’accomplir ce que quinze ans de publicité ou de télé-réalité culinaire nous enjoignent de faire : croire en ses rêves, vivre la vie que l’on mérite, dégager l’exceptionnel sous le quotidien, enfin sublimer un hot-dog quoi. Aussi, parce que tout anonyme cache un petit être de lumière brisé dans son élan premier, Ben Stiller enterre rapidement son propos initial, les films intérieurs de Walter l’impuissant social (souvent trop chiadés pour être drôles) et l’humour partiel de la première partie du long-métrage (on compte quelques bonnes séquences, et notamment une bonne parodie de Benjamin Button) pour inviter son héros ordinaire à devenir quelqu’un en rêvant de la même chose que les autres. A savoir : voyager, mais pas métaphoriquement, renouer avec le gnome qui vit en nous (Walter l’ex-champion de skate dévale en longboard des pentes islandaises avec le sac à dos de son enfance), prendre des risques fous au nom de l’amour (l’apparition imbécile de sa dulcinée le convainc de monter dans un hélicoptère incertain en salissant du Bowie) et s’inspirer d’un mentor symbolique pour se payer une épiphanie sur mesure (en l’occurrence, un photographe libre-penseur capable de traquer un animal et de ne pas le shooter pour mieux savourer l’instant). Visuellement trop anonyme pour être laid (pensez très fort à un spot automobile, et remplacez la berline par Ben Stiller), affligé d’un script mal rangé (Walter se cherche, on cherche Walter, Walter nous cherche, personne ne se trouve) et d’un récit contradictoire, mais trop formaté pour nous empêcher d’humer son épilogue à trois kilomètres de pellicule, "Walter Mitty" est aussi handicapé par un humour soluble dans l’aventure, qui ne justifie plus le tsunami de clichés que Ben Stiller nous abat sur le coin de l’œil, tout en cherchant à désamorcer sa gravité nouvelle avec les pires vannes jamais écrites par ses soins (l’administrateur d’un site de rencontres qui peut le joindre n’importe où, et même au sommet d’une montagne). Déjà démago, idiote, prétentieuse et condescendante, la chose jette donc sur son pudding de la honte la cerise la plus impardonnable qui soit : une belle gerbe de malhonnêteté