Voici qu’on leur donne la parole, qu’on les écoute, qu’on revient vers eux, ces vieux-là, trop vieux maintenant vous croyez ? mais trop vieux pour quoi ? Pour avoir oublié ce désir ? pour ne plus en avoir ? pour ne plus sourire du coin des lèvres ou avoir les yeux qui brillent, tandis qu’on regarde les images de leurs anciens amours, de leurs autrefois caressés et qu’on écoute ? De leur désir présent on ne dit presque rien, on devine encore quelques mains. Parfois, souvent même, dans leurs paroles c’est une émotion rare qui se dégage, qui va au-delà de ce qu’ils racontent, au-delà de cette homosexualité qui est leur particularité commune, on touche au plus profond de l’humain, ce peut être la rage, ce peut être la candeur ou l’évidence, l’évidence oui c’est cela, que c’est beau l’évidence, c’est simple, ça vous épargne les questionnements. Eux, elles, ils ont combattu quand on cachait les mots, les faits. Pas la peine de remonter si loin d’ailleurs, mais qu’importe. Les Invisibles ne voulaient pas forcément l’être, certains criaient, manifestaient, se battaient. Les Invisibles l’étaient parfois malgré eux, déni, lutte intérieure, terreur. Aujourd’hui ils le sont peut-être redevenus, parce qu’avec les rides et les cheveux c’est comme si on s’imaginait que… que non… que l’amour ce n’est pas pour eux. Quelle drôle d’idée, l’amour c’est encore là, regardez-les.