Dire que j'attendais impatiemment la sortie du nouveau Denis Villeneuve relevait de l'euphémisme. Après avoir réalisé les classiques instantanés que sont Incendies et Prisoners, le cinéaste canadien s'attaquait de plus à l'adaptation d'une nouvelle d'un de mes auteurs favoris, le portugais José Saramago. Excitation! Mains moites! Pieds poites! Je lance le film avec joie! Et là...bah...J'ai pas tout compris...Niveau réal, Enemy envoie du lourd sur toute la durée du film. Denis Villeneuve ne filme que des apparts sans âme et une chambre d'hôtel, et pourtant, la tension est palpable à chaque plan. Le cinéaste, comme à son habitude, soigne parfaitement son dernier bébé cinématographique. Il lui offre une photo splendide dans le style Seven, il le bichonne avec un acteur de premier choix en la personne de Jake Gyllenhall et il prend même le soin de ne pas filmer trop longtemps Mélanie Laurent, c'est dire si le mec est perfectionniste. Bref, vous avez compris, la technique est irréprochable. On va maintenant aborder le sujet épineux du scénario. Denis Villeneuve nous choppe dès les premières minutes avec cette histoire de double. Je vous récapitule le pitch du film brièvement. En gros, Jake Gyllengall est prof d'histoire et un soir, il se mate un film en dvd dans lequel il découvre avec surprise, son double identique. Le mec hallucine grave et décide de contacter cet énergumène qui lui ressemble trait pour trait. Avec ce pitch imparable, le spectateur lambda que je suis attend une réponse concrète à la fin du film. Je veux savoir pourquoi Jake Gyllenhall à un un double! Je suis cartésien, je regarde ton film avec plaisir, alors donne moi une réponse claire et concise sur le pourquoi du comment s'il te plaît. Et là, Denis Villeneuve me dit: "Non mon gros, ce serait trop facile de faire une chute genre: Oh! il a un frère jumeau caché! N'oublie pas que je suis un auteur et pas un yesman! De plus, j'ai adapté une nouvelle de José Saramago, un auteur que tu connais pourtant! Tu sais bien que José ne donne jamais de clefs précises pour la compréhension de ses œuvres. Métaphore? Tu connais ce mot, bouffon? A toi de chercher, de comprendre, toutes les clefs pour y arriver sont dans mon film. Tu n'as juste pas su les voir. Il a terminé son sermon par "On ne voit qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux." Et là, je lui ai dit qu'il fallait quand même pas me prendre pour un con, que cette phrase c'était pas de lui, mais de Bernard Henri Lévy. Donc, Enemy commence comme un thriller, mais en fait, c'est un film intello. Donc pas de réponses toutes faites, Enemy n'est pas une série B. Et là, quand on y réfléchit de plus près, qu'on fait appel à notre mémoire à court terme, on commence à déceler des pistes de lecture. Le thème de la dictature, le thème de la toile d'araignée (métaphore!), vit on dans une dictature sans que l'on s'en aperçoive? On devient tout foufou, on fait marcher la boîte à cerveau, et on se rend compte que réfléchir à un film est devenu malheureusement une chose assez rare au cinéma. Enemy supporte tranquillement une deuxième vision. Un mec que je connais a eu le courage de le remater et il m'a dit qu'il avait toujours rien compris. Bon, c'est mon pote Alain et il est très con. Mais vous, lecteur de mon blog, je sais que vous ne l'êtes pas, et je pense même que vous comprendrez tout dès la première vision. Enemy n'a toujours pas de date de sortie à l'heure où j'écris, mais au vu de la qualité du produit, une petite sortie sur nos écrans ne devrait pas tarder. Et je vous conseille vivement d'y aller quand ce sera le cas.