Dans une énigme cinématographique qui se déplie avec la finesse d'une pièce d'horlogerie suisse, "Eyes Wide Shut" de Stanley Kubrick navigue à travers les abysses tortueux de la psyché humaine, flirtant avec les thèmes de la fidélité, du désir et de l'identité. La dernière œuvre de Kubrick, un maestro dont chaque cadre porte la marque indélébile de son génie, est une odyssée érotique teintée de mystère qui force le spectateur à regarder au-delà de l'écran, dans les méandres de sa propre conscience.
Tom Cruise incarne le Dr William Harford avec une vulnérabilité qui dément sa posture de confiance, tandis que Nicole Kidman, dans le rôle d'Alice Harford, livre une performance électrisante, évoquant des profondeurs tumultueuses avec un simple frémissement de lèvre ou un regard évocateur. Leur ballet conjugal, chargé d'une tension sexuelle qui ne demande qu'à exploser, est capturé dans un New York reconstitué qui, malgré son manque d'authenticité géographique, brille d'une lumière irréelle, renforçant l'atmosphère surréaliste du film.
La séquence de l'orgie masquée, bien que critiquée pour son manque de véritable audace, est plutôt une danse macabre méticuleusement chorégraphiée, où chaque masque, chaque silence, parle plus fort que les mots. La musique de Jocelyn Pook, avec ses airs envoûtants, enveloppe le film d'un voile d'énigme, tandis que la photographie de Larry Smith baigne chaque scène dans des teintes qui oscillent entre la chaleur des désirs interdits et le froid glacial de la réalité.
Cependant, malgré les performances stellaires et la mise en scène magistrale, "Eyes Wide Shut" navigue parfois dans des eaux troubles, laissant le spectateur désireux de clarté dans ce labyrinthe de symboles et d'allusions. Le film, à son rythme mesuré, risque par moments de sombrer dans l'auto-indulgence, faisant perdre de vue son cœur battant.
En somme, "Eyes Wide Shut" est une mosaïque complexe de désirs refoulés et de vérités inavouées, un testament au talent inégalé de Kubrick pour sonder les profondeurs de l'âme humaine. Ce n'est pas seulement un film, mais une expérience cinématographique qui continue de défier et d'ensorceler, longtemps après que les lumières de la salle se sont rallumées.