J'ai eu la chance de le voir en salle à l'époque de sa sortie, moi, le fan de Kubrick, du haut de mes 18 ans. Alors Kubrick, certes.. mais une histoire qui pouvait dérouter. Ici, pas de décors futuristes, pas de costumes d'époque, pas de folie meurtrière illégale (Shining) ou tout à fait autorisée (Full Metal Jacket). Non, juste un couple marié, issu d'un milieu aisé, fréquentant la bourgeoisie new-yorkaise, face à ses peurs, ses fantasmes, ses mensonges... ou ses vérités. Et à la valse des sourires et des mondanités qui débute le film, succèdent très vite les masques qui tombent (on danse au rez-de-chaussé avec de jolies bourgeoises avinées, on s'offre des prostituées encocaïnées à l'étage), où les apparences ne suffisent plus, où tout peut se monnayer, s'arranger, mais où tout à un prix, et la facture est toujours salée. En écho aux masques de la mondanité qui tombent, s'élèvent les maques -bien réels- autorisant les accès de luxure, l'effondrement des tabous et la consolidation d'un cercle très privé où montrer patte blanche engage plus qu'à une partie de jambes en l'air. Des doutes, des certitudes de façade, des fantasmes inachevés, mais surtout le désir et/mais la crainte de sortir de ses convenances. Kubrick fait valser des hommes et des femmes forts mais vulnérables, et des peurs réelles mais infondées. On n'est finalement pas si loin des thématiques de "2001". Et c'est là que le génie de Kubrick se remarque le plus : que ça soit en orbite autour de Jupiter ou dans le confort d'un appartement new-yorkais, l'homme trouvera toujours le chemin qui le mènera au face à face inévitable avec ses propres peurs et ses fantasmes inavoués. Film le plus personnel du maître, il restera certainement aussi son plus incompris.