Jeune cinéaste - en ce sens qu'il a encore peu de films au compteur - dont le nom ébranle désormais la sphère cinéphilique et suscite les spéculations les plus extravagantes, Matthew Vaughn a su se hisser au rang de la prestigieuse liste des réalisateurs contemporains influents dans le 7e Art. Créant la surprise en 2010 avec son magistral Kick-Ass, où il dépeignait un portrait frais et dévergondé des super-héros aussi jubilatoire que déridant sur fond de satire acide de cette époque de "Marvelisation", le chef d'orchestre britannique a su confirmer son talent derrière la caméra en dépoussiérant avec maestria la franchise X-Men - à travers le préquel X-Men : Le Commencement - lui conférant ainsi un puissant second souffle. Fort d'une filmographie prometteuse en pleine ascension, Vaughn a su attiser la curiosité des uns, l'excitation des autres, mais d'une manière générale une expectative intense quant à la sortie de son dernier cru. Au final Kingsman : Services Secrets est-il à la hauteur des espérances et mérite-t-il son statut d'œuvre parmi les plus attendues de cette année 2015 ou bien s'enlise-t-il dans un vulgaire plagiat de Kick-Ass ? Que l'on se rassure, même si le chef d'œuvre ultime du cinéaste n'est pas encore à l'ordre du jour, la dernière réalisation signée Vaughn parvient à renouveler le concept débridé et galvanisant de Kick-Ass tout en exhibant (enfin) toute la maestria décomplexée et survitaminée du Monsieur.
Puisant sa source - avec quelques libertés tout de même - dans le comics homonyme dont le scénariste n'est autre que Mark Miller (à qui l'on doit la franchise Kick-Ass) et le dessinateur Dave Gibbons (illustrateur prodige du plus puissant et dense comics de tous les temps, nous nommons Watchmen) Kingsman : Services Secrets partait d'emblée avec de sérieux atouts non négligeables. Malgré une inspiration quelque peu calquée sur le comics, Matthew Vaughn parvient à s'émanciper de l'œuvre originale - là ou Snyder s'était contenté de transcrire le monument intemporel d'Alan Moore - afin d'arborer une relecture bien plus personnelle imprégnée de thématiques qui lui sont chères. Que l'on se le dise de suite, le résultat est électrisant, mais plus encore, orgastique. Afin d'apprécier à sa juste valeur ce virtuose ballet d'espions déjanté à outrance, il convient de considérer le dernier cru Vaughn comme une son film le plus personnel et de fait une œuvre à part entière - en ce sens qu'il s'affranchit partiellement des codes de Kick-Ass - et pour reprendre ses dires métaphoriques, comme "l'aboutissement de son mémoire de fin d'études".
Le cinéaste exhibe enfin selon son bon vouloir et sans circonspection toute la maestria qu'il recèle en lui. Sa réalisation n'a jamais été si fluide, débridée, puissante et jubilatoire. De sa baguette exaltée, le maestro orchestre avec une grâce inouïe une pléthore de scènes d'action spectaculaires - limite cartoonesques - ultra-jouissives mêlant intimement délire démesuré, frénésie extrême, gore subtilement maîtrisé - afin de ne jamais provoquer l'écœurement chez le spectateur - et poésie ouatée. Oui, "poésie", vous n'avez pas rêvé. Vaughn n'a pas sa pareille en matière de gunfights échevelés. Malgré l'empreinte sanglante de ses scènes, il parvient à leur conférer une dimension aérienne - renforcée par une bande originale minutieusement sélectionnée et accordée à merveille avec cet aspect céleste - subtilisant ainsi habilement la violence outrancière au profit d'une jouissance suprême jamais déparée par le dégoût. Le cinéaste opère une divine symbiose entre brutalité crue à son apogée et plaisir orgastique teinté de poésie, laquelle œuvre au service d'un théâtre Bondien burlesque survitaminé et galvanisant.
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