Une première image magnifique, en contre-plongée, montrant plusieurs acacias où le soleil les baigne d'une lumière mystique. Ces arbres, symboles de l'amour platonique, vont finir dans le camion de Rubén pour aller jusqu'à Buenos Aires. Sur sa route, il doit emmener une femme qu'il ne connait pas ainsi que sa petite fille, où 1500 km les attendent. Ce voyage, nous le faisons avec eux. L'identification est totale, et cette fois, l'écran de cinéma n'est plus un miroir dans lequel nous pouvons nous refléter, mais un prolongement du camion où l'auditoire se retrouve à l'intérieur. Lorsque les protagonistes commencent à bailler et ressentent de la fatigue, nous éprouvons la même sensation. Quand le conducteur s'étire à cause de courbatures, nous avons aussi les jambes qui se crispent. Rubén et Jacinta parlent peu, mais l'on peut tout de même sentir cette progression des sentiments lente et naturelle qui s'établit entre eux. Au départ, l'homme était aigri et déplaisant, mais son attitude va progressivement s'adoucir au fil du voyage. Le réalisateur, Pablo Giorgelli, préfère à la musique le bruitage omniprésent du camion, couvrant par ailleurs les (trop nombreux) silences des personnages. Car même si l'étalonnage est une réussite totale, où la lumière est chaude et travaillée, l'absence d'action finit par ennuyer le spectateur qui ne souhaite plus qu'une chose : que les acacias arrivent à destination. Un road movie déclenche forcément une sorte de nostalgie chez le public, mais il aurait peut-être fallu davantage de paysages et sortir un peu plus de ce camion pour nous émouvoir, et tout simplement, nous faire aimer ce voyage.